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Algérie

Bouteflika: malgré l'éventualité d'un départ, les Algériens craignent une continuité du pouvoir 

Lâché par l'armée et un allié politique de poids, Abdelaziz Bouteflika semble de plus en plus proche du départ. Insuffisant pourtant pour les Algériens, qui veulent une rupture radicale avec le système actuel, craignant un risque de pérennisation avec un passage de témoin entre cadres du parti au pouvoir.

Après le chef d’état-major de l’armée Ahmed Gaïd Salah mardi, c’est le RND, principal allié d’Abdelaziz Bouteflika qui a réclamé son départ. Au pouvoir depuis 20 ans, le président algérien, qui ne s’est plus exprimé depuis 2013, semble de plus en plus isolé alors que le peuple algérien réclame lui demande de quitter ses fonction depuis plus d’un mois.

Si la fin du règne apparaît inéluctable, la fin du système Bouteflika n'est pas actée et son entourage semble ne pas vouloir abandonner le pouvoir. Et même au sein des soutiens du président, des divergences apparaissent. Le chef d’Etat-major de l’armée a demandé la mise en application de l’article 102 de la Constitution algérienne qui organise l'intérim en cas de démission du chef de l'Etat ou d'incapacité à assumer ses fonctions en cas "de maladie grave et durable". 

  • Un régime qui s'accroche au pouvoir

Là est la nuance. Car la proposition du RND, celle d'une démission pure et simple, engendrerait un intérim de 90 jours avant la tenue de nouvelles élections, contre 135 en cas d'empêchement pour raisons de santé, comme souhaité par l'armée.

"Cet article 102 prévoit d’accélérer le cycle de transition et de permettre qu’elle s’organise dans des modalités définies par ceux qui sont aujourd’hui le mieux organisé, à savoir le régime lui-même", estime sur notre antenne Neila Latrous, rédactrice en chef Maghreb/Moyen-Orient pour Jeune Afrique.

Mais un intérim sonnerait comme une première forme de pérennisation du système Bouteflika. L'article 102 prévoit un intérim assuré par le Président du Conseil de la Nation. Or, celui-ci n'est pas vraiment en odeur de sainteté auprès du peuple algérien qui manifeste pacifiquement depuis plus d'un mois. Cadre du régime actuel, Abdelkader Bensalah qui occupe la fonction actuellement, a en effet longtemps été un partisan d'un cinquième mandat d'Abdelaziz Bouteflika.

Le pouvoir entend ainsi répondre aux attentes de la rue en orchestrant le départ d'Abdelaziz Bouteflika, mais tient à préserver le système mis en place depuis l'arrivée à la tête du pays du président algérien en 1999.

  • Le peuple veut une "rupture" avec le système

De leur côté, les Algériens prévoient de continuer à manifester. Une mobilisation d'ampleur est de nouveau programmée pour vendredi, alors que différents corps professionnels (pompiers, avocats, médecins) se mobilisent chaque jour. "Ils (l’entourage de Boutelfika, ndlr) veulent une passation de consignes à l’intérieur du même système, nous exigeons une transition démocratique qui pose les fondations de l’Algérie nouvelle", martèle dans un média algérien Yassine Aissaouine député du RCD, un parti d'opposition.

"Le RND est dans la continuité de l'état-major de l'armée, les clans du système (...) cherchent à se sauvegarder (…) Mais le peuple ne veut pas d'un simple changement de clan, il demande une rupture radicale avec le système", explique de son côté à l'AFP Mahrez Bouich, professeur de philosophie politique à l'Université de Béjaia.

Une rupture radicale réclamée par le cri de ralliement des manifestants: "Tetnehaw ga3". En Français, "enlevez-vous tous".

Guillaume Dussourt