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L'armée algérienne veut "empêcher" Bouteflika: une manoeuvre concertée avec le pouvoir?

Plus d'un mois après le début des manifestations, le chef d'état-major de l'armée algérienne a demandé à ce que le président Abdelaziz Bouteflika soit déclaré inapte à exercer le pouvoir. Comment interpréter cette manoeuvre politique du général Ahmed Gaïd Salah, fidèle des fidèles du président algérien?

L'armée a ouvert la voie à un départ d'Abdelaziz Bouteflika, en proposant que le président, affaibli par la maladie et contesté par la rue, soit déclaré inapte à exercer le pouvoir en vertu de l'article 102 de la Constitution, ou qu'il démissionne.

Plus d'un mois après le début de la contestation populaire, la déclaration du général Gaïd Salah ce mardi a surpris, alors que ce vice-ministre de la Défense est considéré comme un proche d'Abdelaziz Bouteflika, et l'un des personnages les plus puissants du pouvoir algérien. Pourtant, le général a prôné une solution répondant aux "revendications légitimes du peuple algérien", conforme à la Constitution et garantissant la "stabilité de l'Etat".

"Cette sortie ne peut être que concertée"

"C'est incontestablement une page qui se tourne", note notre éditorialiste Ulysse Gosset. "C'est l'annonce de la fin du règne de Bouteflika car si les militaires lâchent le président, on ne voit pas qui pourrait être le rempart pour le protéger". 
"L'armée dit: il faut qu'il parte", explique notre éditorialiste. "Mais en même temps, elle veut organiser la transition. L'armée est présente et elle veut jouer les arbitres, voire plus si les choses venaient à basculer. On voit que les généraux sont en première ligne et que cet homme ultra-puissant en Algérie entend bien jouer un rôle de clé pour la transition", ajoute Ulysse Gosset. 

Pour Neila Latrous, rédactrice en chef de l'édition Maghreb et Moyen-Orient du magazine Jeune Afrique, "cette sortie ne peut être que concertée, ou à minima, le président était au courant que cette activation de l'article 102 allait apparaître dans le débat public". 

"Une manière d'afficher un semblant de changement"

Sur BFMTV ce mardi soir, Neila Latrous rappelle volontiers que "si le régime algérien marchait sur deux jambes, l'une serait Abdelaziz Bouteflika et l'autre serait Ahmed Gaïd Salah". "En poste depuis 2003, ce général est d'une loyauté infinie à l'égard du président Bouteflika car il lui doit tout dans sa prise de poste notamment, et les deux hommes se reconnaissent dans cette qualité d'anciens révolutionnaires", insiste-t-elle. 

Moussaab Hammoudi, chercheur doctorant sur l'autoritarisme algérien à l'EHESS, partage l'idée de la manoeuvre politique. Au magazine Jeune Afrique, il explique: 

"C’est une esquive. Une manière d’afficher un semblant de changement, tout en optant pour un scénario qui arrange le pouvoir. L’application de l’article 102 insinue le maintien de cette même Constitution, et par extension du même régime, alors que la rue demande son changement par la voie d’une assemblée élue".

Affaibli par les séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC), qui depuis 2013 l'ont empêché de s'adresser de vive voix aux Algériens et ont rendu rares ses apparitions publiques, Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, est confronté depuis plus d'un mois à une contestation sans précédent depuis son élection à la tête de l'Etat en 1999.

Jeanne Bulant