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Nouveau DPE: risque de baisse du nombre de logements en location dans le parc privé

Alors que le nouveau DPE corrigé est en vigueur pour toutes les nouvelles annonces immobilières (location comme vente), les futures contraintes de rénovation pesant sur les bailleurs pourraient entraîner une diminution de l'offre locative.

Les bailleurs sont déjà inquiets et les professionnels commencent à tirer la sonnette d'alarme sur les futures interdictions de location des logements énergivores, également appelés des "passoires thermiques", qui vont peser sur les bailleurs. "Le changement de modèle du diagnostic de performance énergétique (DPE) va peut-être contraindre certains propriétaires à vendre", explique Laurent Vimont, président de Century21.

Le professionnel, qui constate que près d'un acquéreur sur trois en 2021 était un investisseur, estime que pour les logements en copropriétés avec un chauffage collectif, la facture va être particulièrement salée et les travaux impossibles à réaliser sans l'accord des autres copropriétaires.

D'un point de vue technique, les nouvelles règles vont interdire à la location les biens classés G au titre du DPE en 2025, ceux estampillés F en 2028 et ceux avec une étiquette E en 2034. Le nombre de logements considérés comme des "passoires thermiques" (F et G) s'élève à 4,8 millions dans le parc de résidences principales, selon un document de travail du Commissariat général au développement durable publié en 2020. Il y aurait par ailleurs 23% de logements du parc locatif privé classés F ou G (mais il s'agit ici d'un classement avec l'ancien DPE, qui pourrait être moins strict que le nouveau). Ce qui représente pas moins de 1,7 million de logements à rénover, selon les dernières estimations de la Fnaim.

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"Ces mesures seront difficilement applicables dans certaines zones", estime Stéphane Desquartiers, fondateur de La maison de l'investisseur. "Refaire un logement pour améliorer sa note sur le diagnostic de performance énergétique représente un investissement de 40.000 à 60.000 euros. Alors dans les villes à moins de 1.000 euros du m², les travaux peuvent représenter le prix du bien! Il faudrait d'autres avantages pour aider à la rénovation les bailleurs et investisseurs. Et techniquement, même à Paris, il y aura des bâtiments où les travaux ne seront pas possibles", poursuit le professionnel de l'investissement locatif.

Les locataires seraient les premières victimes

Ces nouvelles mesures pourraient inciter certains bailleurs à vendre, selon une étude de Particulier à particulier (PAP.fr) qui a sondé les principaux intéressés. Résultat du sondage, un tiers des personnes interrogées pourraient arrêter la location et de nombreux propriétaires envisagent de ne pas refaire d'investissement.

"Il faut être attentif aux investisseurs. Représentant actuellement 30,2% des transactions en France, ils risquent de se détourner du marché compte-tenu des nouvelles dispositions liées au DPE, ce qui aurait une conséquence sur le marché locatif. Les premières victimes seront les locataires, particulièrement les plus modestes", avertit Laurent Vimont.

Pourtant, "dans un contexte global d’incertitude sur les retraites et de manque de visibilité sur l’avenir, les Français voient dans la pierre une valeur refuge qu’ils consacrent, quand les placements boursiers peinent à rassurer compte-tenu de leur instabilité", ajoute le président du réseau Century21. Et les propriétaires qui ne peuvent, ou ne veulent pas, faire ces travaux, pourraient tout simplement mettre en vente leur bien.

Augmentation des ventes de passoires thermiques

Selon le site SeLoger, la note inscrite sur le DPE commence à avoir un impact sur les mises en vente avec une hausse de 21% des annonces de biens notés G sur un an (entre septembre 2019 à octobre 2020 et septembre 2020 à octobre 2021). Avec une explosion du nombre de ventes de ce type de logement marquée dans certaines zones : +74% à Rennes sur un an, +72% à Paris, +70% à Nantes, +66% au Havre ou encore +52% à Angers.

Côté prix, les professionnels ne constatent pas encore de grande baisse significative pour les de passoires thermiques, surtout dans les zones tendues, même si un bien noté A se vend généralement 11% plus cher qu'un bien noté F selon les estimations de SeLoger.

Des aides et des primes pour rénover ces logements énergivores

Des aides sont en revanche disponibles pour les bailleurs et les copropriétés qui réalisent des travaux de rénovation énergétique. Le gouvernement a d'ailleurs lancé un nouveau service public disponible début janvier, FranceRénov', une plateforme unique pour les travaux de rénovation. De plus, MaPrimeRénov' prévoit des bonus financiers pour les propriétaires qui réalisent des travaux énergétiques.

En revanche, MaPrimeRénov' est disponible sous certaines conditions de revenus et de durées de location, avec un plafond de 3 logements en location. Ce qui explique que le reste à charge est parfois élevé pour les propriétaires bailleurs qui disposent de quelques années pour se décider de faire les travaux ou de vendre.

Des travaux rentabilisés sur 20 ou 30 ans

Toutefois, même si ces travaux peuvent être élevés, réaliser des travaux de rénovation énergétique permet de donner de la valeur à son logement, de faire baisser la facture d'énergie et l'impact environnemental du bien.

En revanche, ces travaux de rénovation énergétique ne seraient rentables qu'au bout de plusieurs décennies selon une étude publiée par France Stratégie, qui estime à 20 ans la durée nécessaire pour rentabiliser la rénovation en vue d'atteindre la note C pour 36% du parc privé (7,9 millions d’habitations). Et encore, si un organisme centralisateur prenait en charge l'ensemble de l'expertise et des travaux avant de récupérer l'argent avancé sur les économies d'énergie. Ce qui ne correspond pas au profil d'un investisseur locatif individuel.

Marion Marten-Pérolin