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Nord: avis défavorable à l'expulsion de Sana, revenue en France après 10 ans en Syrie

Sana est mère de deux petites filles, nées en Syrie d'un mariage forcé avec un soldat du groupe État islamique. Rapatriées en France en janvier dernier, elles risquent désormais l'expulsion vers l'Algérie.

La commission d'expulsion du tribunal de Lille a rendu mercredi un avis défavorable au renvoi vers l'Algérie, à l'initiative du préfet du Nord, de Sana, une Roubaisienne partie mineure en Syrie avec sa famille et de retour en France avec ses deux filles.

"Il n'est pas établi que la présence" de cette jeune femme de 24 ans "sur le territoire national constitue une menace grave à l'ordre public", estime la commission dans un avis consulté par l'AFP.

"Le fait qu'elle ait vécu en zone terroriste entourée de jihadistes prônant un islam rigoriste ne permet pas d'en déduire avec certitude qu'elle est acquise à cette cause et qu'elle a pour intention de commettre à son tour des actes terroristes", ajoute-t-elle.

Un avis consultatif

Cet avis n'engage pas le préfet du Nord Georges-François Leclerc, qui garde le pouvoir d'expulser la jeune femme.

Son avocate Me Marie Dosé s'est félicitée d'une décision "sans appel", qui "devrait convaincre" le préfet de "ne pas poursuivre la procédure d'expulsion envisagée contre Sana (un nom d'emprunt, ndlr) et ses deux filles".

Sa cliente, jamais mise en examen, appartient à l'"une des plus grandes familles jihadistes françaises", dont 23 membres ont rejoint l'organisation État islamique (EI), avait souligné le préfet lors de l'audience le 13 septembre.

Son oncle, l'un des onze Français condamnés à mort en Irak en 2019, est connu du renseignement pour ses liens avec Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats du 13 novembre 2015.

Une famille tyrannique

La jeune femme, qui se dit victime d'une famille tyrannique et radicalisée, a été conduite en zone contrôlée par l'EI par sa mère en 2014, à 15 ans, avec sa fratrie, puis mariée à un jihadiste belge, avec qui elle aura deux filles.

De retour en France, après cinq ans sur place puis quatre ans dans un camp de prisonniers jihadistes, elle espère rester dans son pays de naissance, mais n'en a pas la nationalité: sa mère a refusé de la lui demander à l'adolescence, faisant d'elle aujourd'hui une ressortissante algérienne en situation irrégulière. Selon son avocate, elle ne s'est jamais rendue en Algérie.

Le préfet considère que la jeune femme est dans "un processus de dissimulation", ou "taqiya", et lui reproche notamment certaines réponses qu'il juge ambiguës lors de ses auditions avec la DGSI à son retour en France.

Contactée par l'AFP, la préfecture n'a pas fait de commentaire.

M.L. avec AFP