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Environnement

Sécheresse hivernale: la situation est-elle rattrapable en vue de l'été prochain?

Avec plus de 32 jours sans véritable pluies, la France est confrontée à un déficit de précipitations inédit pour un mois de février. À tel point que des averses dans les prochaines semaines ne seraient pas forcément suffisantes en vue de cet été.

Un manque d'eau préoccupant. L'Hexagone est actuellement confronté à une sécheresse hivernale inédite, liée à un déficit de pluies important et à plusieurs épisodes de sécheresse survenus au cours de ces dernières années. Si le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu parle cette semaine sur France Info d'un phénomène "rattrapable", certains experts sont plus nuancés.

Avec plus de 32 jours sans véritable pluies, la France est confrontée à un déficit de précipitations "inédit" pour un mois de février, selon Météo France. Cinq départements sont actuellement placés en alerte sécheresse renforcée: le Var, l'Ain, l'Isère, les Bouches-du-Rhône et les Pyrénées-Orientales.

Le ministre de la Transition écologique doit rencontrer ce lundi les préfets qui coordonnent les sept grands bassins du pays afin de "planifier" les "problèmes de raréfaction d'eau" auxquels les territoires seront confrontés.

"Les nappes pas suffisamment rechargées"

En raison du manque de pluies, les nappes phréatiques se situent à des niveaux plus faibles qu'habituellement en cette période de l'année: dans 32 départements, le niveau d'eau est considéré comme "très bas" et dans 20 départements comme "bas", selon Propluvia.

"Les nappes ne sont pas suffisamment rechargées. (La recharge) s'arrête trop tôt cette année", s'inquiète auprès de BFMTV.com l'hydrologue Laurie Caillouet.

Le docteur en agroclimatologie Serge Zaka rappelle ce lundi sur RMC que les nappes phréatiques ont un rôle crucial pour notre alimentation en eau.

"Les nappes phréatiques sont notre réservoir pour passer le printemps puis surtout l'été. Si elles ne se rechargent pas, on aura des problématiques d'eau potable et également d'irrigation", prévient-il.

Des averses ponctuelles insuffisantes

Pour éviter un été difficile, il faudrait dans un premier temps que la pluie fasse son retour rapidement. Pour autant, quelques averses ne seraient pas suffisantes.

Il faudrait des "pluies abondantes sur des semaines et pas seulement sur deux jours car l'eau ne ferait que ruisseler", explique l'hydrologue Laurie Caillouet.

Elle ajoute qu'il faudrait également que le pays connaisse des "températures de saison sur des semaines" et un "été humide et pas trop chaud".

D'autant qu'une autre difficulté s'annonce avec l'arrivée du mois de mars, selon l'hydrologue. "Avec la nature qui se réveille, les pluies vont être captées par la végétation" et ne profiteront donc pas aux nappes phréatiques, prévient-elle.

"Des problématiques (à prévoir) tout au long de l'été"

Beaucoup de conditions et donc aucune certitude pour les mois à venir. L'agroclimatologue Serge Zaka se montre assez pessimiste:

"On est pratiquement sûr que les nappes phréatiques ne retrouveront pas un niveau intéressant d'ici début avril".

Selon lui, quelles que soient les précipitations dans les mois à venir, "on aura des problématiques tout au long de l'été, il s'agit juste de savoir si on a de grosses ou de petites problématiques", estime-t-il.

Pour Laurie Caillouet, cette situation ne naît pas seulement du déficit de pluies, elle est la résultante de nombreuses années marquées par des sécheresses. Et c'est ce qui la rend justement préoccupante. "Si l'été 2022 avait été normal, ce ne serait pas un drame (...). Mais en réalité, on a un problème depuis des décennies", estime-t-elle.

Réduire des usages non essentiels

Pour réduire l'impact du manque de pluies, il faut agir, selon l'agroclimatologue. "Il faut réduire dès à présent certains usages qui ne sont pas forcément essentiels comme le remplissage des piscines individuelles, le nettoyage des voitures, le nettoyage des sols dans les villes", fait valoir Serge Zaka.

"Si on pompe dans nos réservoirs en hiver ou au début du printemps, on aura de l'eau en moins pour la suite de l'été", s'inquiète-t-il.

Emmanuel Macron a appelé samedi depuis le salon de l'agriculture en faveur d'un "plan de sobriété sur l'eau". Christophe Béchu demande de son côté des mesures "extraordinairement précoces" d'économies d’eau.

Juliette Desmonceaux