Pourquoi les feuilles des arbres français arborent déjà des couleurs automnales
Installé dans sa montgolfière, Bruno Parey ne peut que constater l'arrivée précoce de l'automne cette année dans les forêts du Loir-et-Cher. Cela fait plus de 30 ans qu'il survole cette zone. Et en cette fin du mois d'août, force est de constater que les arbres se sont parés de jaune et de marron bien trop tôt.
"Là, c'est quand même très sec. (...) Vous avez les chênes qui ont un mois d'avance sur l'automne", explique-t-il.
Sécheresse intense et canicules à la chaîne
À terre, les sols sont déjà jonchés de feuilles mortes. Pour les experts de l'Office national des forêts (ONF), la sécheresse et la canicule qui ont caractérisé les mois de juillet et d'août 2022 sont à pointer du doigt. Comme le rappelle le ministère de la Transition écologique, "la France connaît actuellement une période de sécheresse intense, qui touche l’ensemble du territoire". 93 départements sont concernés par une restriction au-delà de la vigilance.
De nombreux cours d'eau s'assèchent, comme la Loire ou le Rhin, et les nappes phréatiques sont au plus bas, mettant à mal certaines communes qui doivent trouver des alternatives pour s'approvisionner eu eau. Les quatre vagues de chaleur qu'a connues le pays depuis le mois de juin viennent aggraver cette situation.
Arrêt de la photosynthèse
Un cocktail dangereux pour la flore, qui a dû mettre en place des mécanismes de protection face à ces conditions. Les feuilles des arbres sont toutes équipées de stomates, de petits orifices qui en temps normal permettent aux végétaux d'évacuer l'eau pour se rafraîchir, via le processus de l'évapotranspiration.
Mais dans les conditions actuelles, "l'arbre fait des choix", explique Yann Vandebeulque, responsable de l'unité territoire Loir-et-Cher à l'ONF: "Il va fermer ses stomates pour arrêter de transpirer, afin d'essayer de maintenir le maximum d'eau dans les feuilles et dans l'organisme". Si bien que la température des feuilles augmente drastiquement, accélérant leur mort.
"La photosynthèse ne fonctionne plus, donc on va voir des feuilles qui commencent à jaunir", continue-t-il.
Des arbres qui ne pourront pas repartir au printemps
Un processus qui explique l'arrivée précoce de l'automne cette année, et qui peut avoir des conséquences sur plusieurs années. La sécheresse qui avait touché l'est de la France en 1921 a "eu des conséquences pendant les deux années suivantes sur la pousse des grands chênes", explique dans les colonnes du Figaro Nathalie Bréda, directrice de recherche à l'Inrae.
À bord de sa voiturette de golf, François d'Espiney Saint-Luc parcourt les 2000 hectares de forêt dont il est propriétaire dans cette zone du Loir-et-Cher. "Celui là, il commence à dépérir. De l'autre côté, vous avez des bouleaux couleur automne", énumère-t-il alors qu'il passe en revue ses arbres.
Il a déjà dû abattre des dizaines de chênes mourants. Et certains, trop affaiblis par cette année trop sèche, ne pourront pas repartir au printemps.