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Pesticides: la France est-elle plus sévère que ses voisins?

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Philippe Huguen-AFP

L'interdiction d'utiliser les pesticides tueurs d'abeilles ne sera pas levée. Le sujet a été au cœur d'un bras de fer gouvernemental. Le ministre de l'Agriculture estimait que la France n'était pas en accord avec la réglementation européenne. BFMTV.com compare la situation de la France à celle de ses voisins européens.

Après la passe d'armes entre le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et son collègue de l'Agriculture, Stéphane Travert, ce lundi sur les pesticides, le Premier ministre a tranché. Le gouvernement ne reviendra pas sur l'interdiction de trois pesticides tueurs d'abeilles.

"300.000 ruches périssent chaque année"

Appelés néonicotinoïdes, ces pesticides sont systémiques, c'est-à-dire qu'ils pénètrent la sève de la plante. Ils sont accusés d'être neurotoxiques et responsables du déclin des insectes pollinisateurs. Comme le regrette l'Union nationale de l'apiculture française, depuis l'apparition de ces insecticides, "environ 300.000 ruches périssent chaque année". Selon le syndicat, le taux de mortalité des abeilles a explosé de 5% à 30%.

La législation française "n'est pas conforme avec le droit européen", avait déclaré un peu plus tôt Stéphane Travert lundi matin sur RMC et BFMTV, interrogé à propos d'un "document de travail" datant du 21 juin obtenu par RMC. Le ministre de l'Agriculture déplore que "la réglementation française (aille) plus loin que ce qui est prévu par la réglementation de l'UE".

La France va plus loin que l'UE

Sur ces faits, Stéphane Travert a raison: la France va plus loin que la législation européenne. Votée dans le cadre de la loi sur la biodiversité de 2016, la mesure prévoit en France l'interdiction totale, quel que soit l'usage -pulvérisation, traitements des sols ou des semences- dès le 1er septembre 2018 de sept substances néonicotinoïdes. Des dérogations, décidées par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'Agriculture, de l'Environnement et de la Santé, sont cependant possibles jusqu'au 1er juillet 2020 lorsqu'il n'existe pas d'alternative. 

Au niveau de l'Union européenne, aucun de ces pesticides n'est interdit. Comme le rappelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses), "aujourd'hui, cinq substances actives de la famille des néonicotinoïdes sont approuvées pour des usages phytopharmaceutiques au niveau européen".

Seuls trois d'entre eux -le clothianidine, l'imidaclopride et le thiamétoxame, qui seront donc interdits en France- ont vu leur usage restreint. En 2013, l'UE a en effet imposé leur interdiction temporaire et partielle, uniquement pour les cultures attractives pour les abeilles. Ce qui concerne aussi bien colza, maïs, tournesol et coton que les cultures fruitières, comme l'indiquait alors le ministère de l'Agriculture. Ne sont donc pas concernées les cultures sous serre, les céréales d'hiver et les cultures après floraison.

"Une incidence sur le système nerveux humain"

Pourtant, ces interdictions ne seraient pas toujours respectées. Un maraîcher de l'Aisne a porté plainte devant la Commission européenne contre l'Espagne. Il reproche aux autorités de fermer les yeux sur les pratiques de certains fraisiculteurs qui utiliseraient des pesticides interdits par l'Europe.

Un nouveau règlement européen pourrait voir le jour. Ces trois pesticides pourraient ainsi être complètement interdits, à l'exception des cultures sous serre. La décision devait être prise au mois de mai dernier mais a été repoussée à l'automne prochain, le temps que l'Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) "ait actualisé son évaluation des néonicotinoïdes", indique Euractiv.

L'Efsa avait pourtant déjà estimé que ces trois pesticides représentaient un "risque élevé" pour les pollinisateurs. Plus inquiétant, l'agence européenne avait même jugé que deux néonicotinoïdes, dont l'une de ces trois substances déjà partiellement interdite, pouvaient "avoir une incidence sur le développement du système nerveux humain".

Céline Hussonnois-Alaya