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Prélèvement à la source: pourquoi l'Élysée doute-t-il?

À quatre mois de la mise en œuvre du prélèvement à la source, Matignon et l'Élysée sèment le doute sur le calendrier de la réforme. L'exécutif se donne jusqu'au 15 septembre pour prendre sa décision sur un éventuel report d'un an. Le risque d'un bug informatique et le choc psychologique sont à l'origine de ces hésitations.

"La plus grande réforme fiscale depuis la création de l'impôt sur le revenu", comme la qualifie Gérald Darmanin, verra-t-elle le jour le 1er janvier prochain?

En arrivant aux manettes en 2017, l'exécutif avait déjà décidé de repousser d'un an la mise en œuvre du prélèvement à la source qui était prévue pour 2018. Et à la vue des modifications décidées par Bercy, on comprend que ce délai supplémentaire n'était pas de trop.

Versement d'un acompte de crédit d'impôt dès janvier, report de la réforme à 2020 pour les gardes d'enfants et aides à domiciles employés par des particuliers, dispositif de prise en charge de la collecte de l'impôt pour les petites entreprises... plusieurs ajustements ont dû être actés par le ministre des Comptes publics ces dernières semaines.

L'exécutif sème le doute, Bercy tente de rassurer

À quatre mois de la mise en œuvre de la réforme, celle-ci semblait enfin bouclée, Bercy lançant dimanche dernier sa campagne de communication auprès du grand public. C'est une bombe que va lâcher, le même jour, le Premier ministre dans le JDD. Loin de se montrer rassurant et de confirmer le calendrier de la retenue à la source, Édouard Philippe a confié qu'il allait "faire le point" dans "les prochaines semaines".

Un départ d'incendie, que Gérald Darmanin va s'empresser d'éteindre sur BFMTV-RMC dès le lendemain: "Tout se passe bien", a affirmé le ministre. "C'est une réforme complexe, il est normal que le Premier ministre s'assure que les choses se passent bien."

Rebelote mercredi, Le Canard Enchaîné dévoile qu'Emmanuel Macron aurait "en privé" fait part de ses doutes sur la réforme et se serait donné jusqu’au 15 septembre pour décider de confirmer ou non son application au 1er janvier prochain. À nouveau, Gérald Darmanin s'est empressé de démentir tout report: "Nous ferons la réforme de l'impôt à la source et fin janvier de l'année prochaine les Français paieront leur impôt à la source", a-t-il déclaré sur Europe 1.

"On a une clause de revoyure mi-septembre avec Matignon et Bercy", indique l'Élysée aux Echos. "L'objectif d'une mise en place le 1er janvier 2019 est maintenu, mais nous nous laissons la possibilité de le décaler."

Bug informatique et choc psychologique

Pourquoi l'exécutif se met-il à douter dans la dernière ligne droite? D'abord, l'Élysée redouterait qu'un bug informatique ne survienne. Déjà en avril, les déclarations pré-remplies d'un demi-million de contribuables comportaient des erreurs, les revenus indiqués étaient inférieurs à ceux qu'ils avaient réellement perçu en 2017. Un bug de cette ampleur avec le prélèvement à la source porterait un coup dur au gouvernement qui serait rapidement taxé d'incompétence.

Puis, l'exécutif craint les effets du choc psychologique du bulletin de paie qui baisse et ferait passer inaperçu ses mesures en faveur du pouvoir d'achat. Cette année, le gouvernement a décidé d'appliquer tout de suite une hausse des taxes et d'étaler les baisses de cotisations salariales. Ces dernières, tout comme la baisse de la taxe d'habitation, ne se feront véritablement sentir qu'à l'automne. Les Français auront trois mois pour en profiter avant de voir le montant sur leur feuille de paie baisser.

Bercy avait trouvé la parade en préparant le nouveau bulletin de salaire mettant en évidence le gain obtenu par la baisse des cotisations salariales, dans l'espoir que les mesures en faveur du pouvoir d'achat leur sautent aux yeux. Il n'est pas certain que cela suffise. Alors que la croissance marque le pas, à cause du ralentissement du commerce mondial, mais aussi de la consommation intérieure, le timing ne semble pas idéal. 

Jean-Christophe Catalon