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"Vos courses en moins de 10 minutes": le succès fulgurant des applications de livraison

Créées il y a quelques mois, les start-up de livraisons de courses ultra-rapides se développe à un rythme d'enfer. Mais avec des frais de livraisons très faibles peuvent-elles être un jour rentables?

"C'est l'effet "wow" qui marche avec ces applications. Nos clients nous disent que c'est le seul service qu'ils sont fiers de montrer à leurs amis." Pour Henri Capoul, le fondateur de la toute jeune application française Cajoo, c'est par le bouche à oreille que ces services de livraisons de courses ultra-rapide gagnent du terrain.

La promesse est ambitieuse et elle est presque toujours tenue, assurent les responsables de Cajoo et de sa rivale allemande Gorillas interrogés par BFM. Il s'agit de vous livrer votre panier de course dans les 10 ou 15 minutes qui suivent le paiement depuis votre application.

Testé ce jeudi 20 mai sur un panier à 13 euros dans le XVème arrondissement de Paris, la livraison a été effectuée dans les temps. Il ne s'est écoulé que 6 minutes entre la validation de la commande et l'appel du livreur au bas de l'immeuble. Le tout pour un coût de livraison inférieur à 2 euros.

"Choisir un créneau de livraison n'est pas une expérience satisfaisante, estime Henri Capoul. Il faut qu'on commande ses courses comme on commande un VTC."
Gorillas
Gorillas © BFMTV

Une rapidité qui ferait passer UberEats et Deliveroo qui se sont lancés dans la livraison de courses depuis un an pour des escargots.

Mais comment font ces nouveaux services pour vous livrer aussi vite? Ils disposent de "dark stores" (des mini-entrepôts de 200 à 400 m²) positionnés dans des points clés dans les villes où ils sont implantés. Le français Cajoo en possède neuf dans la capitale et son rival qui en a ouvert deux nouveaux cette semaine en possède huit. Des entrepôts installés dans d'anciens garages, boutiques ou clubs divers.

Une "licorne" en huit mois à peine

Leur assortiment est limité aux produits essentiels que ce soit dans le frais, l'épicerie ou les boissons. Cajoo propose 2000 références et Gorillas quelque 1600, soit deux à trois moins qu'un magasin de proximité moyen de type Franprix.

Enfin ces entreprises disposent de leur propre flotte de livreurs salariés, entre 10 et 20 par entrepôt selon leur taille. Des livreurs qui effectuent leurs courses en vélo électrique et qui sont équipés de casques et de pantalons de pluie par l'entreprise pour les journées d'intempérie.

"Nous n'avons pas des attroupements devant nos magasins comme on peut le voir avec certains de nos concurrents, assure Pierre Guionin, le responsable de Gorillas en France. Nos livreurs sont dans les magasins avec les équipes quand ils ne livrent pas. Ce sont les ambassadeurs de la marque auprès des clients, ils connaissent bien le service et les produits."

Et si ces nouveaux services se développent à vitesse grand V. Si le concept est né aux Etats-Unis en 2013 avec la start-up GoPuff valorisée 3,9 milliards de dollars, les Européens s'y sont lancés il y a quelques mois avec des très grandes ambitions.

L'allemand Gorillas a été créé en juillet 2020 et est déjà implanté dans quatre pays et 18 villes. En France, le service couvre déjà 60% des habitants de la capitale et compte se lancer une quinzaine d'autres villes d'ici la fin de l'année comme Lille, Bordeaux et Lyon. Avec 334 millions d'euros levés ces derniers mois, Gorillas est une des "licornes" les plus rapides de l'histoire. Elle a atteint le milliard d'euros de valorisation en à peine 9 mois.

Le Français Cajoo aussi va vite. L'entreprise a été créée en janvier 2021 seulement et est déjà implantée dans six villes grâce à sa première levée de fonds de 6 millions d'euros. Outre Paris, Cajoo est présent à Lyon, Toulouse, Lille ou encore Bordeaux.

Un modèle économique viable?

Et si les entreprises ne communiquent pas de chiffres d'affaires, elles assurent que le succès est au rendez-vous.

"Nous enregistrons plusieurs centaines de milliers d'euros de commandes chaque semaine, confie Henri Capoul. Nos clients ont entre 20 et 40 ans qui nous utilisent beaucoup pour des moments de vie sociaux comme les apéros, les brunchs, les repas."

Un succès qui outre la rapidité du service s'explique par les coûts de livraisons faibles. 1,80 euro la livraison pour Gorillas, 1,95 euro pour Cajoo (mais gratuit au-delà de 40 euros d'achats). Un tarif qui interroge sur la viablité du modèle économique. Le patron France de Gorillas lui est confiant.

"Notre modèle de rentabilité se fera avec les volumes, estime Pierre Guionin. Avec un seul store nous avons un rayon d'action de 1,5 km, soit 100.000 à 150.000 personnes dans une ville dense comme Paris. La grande distribution a besoin de 5-10 magasins pour en faire autant. Certains stores en Allemagne font déjà le chiffre d'affaires de trois magasins de proximité."

Grâce à la technologie et une logistique parfaite, Cajoo estime qu'atteindre la rentabilité ne sera pas si difficile.

"Nous avons des coûts fixes très légers, assure Henri Capoule. Et notre modèle permet de dégager une meilleure marge dans la livraison qu'un Monoprix par exemple qui est obligé de partager sa marge avec Deliveroo et UberEats."

Aux Etats-Unis, GoPuff est présent dans plus 500 villes et assure être rentable dans chacun des marchés où il opère depuis 2019.

Et si les confinements et les couvre-feux de ces derniers mois ont été des moteurs de croissance pour ces start-up, elles sont confiantes pour "l'après-Covid".

"Le premier soir du déconfinement nous avons réalisé 40% du chiffre d'affaires de notres journée entre 21 heures et 23 heures, confie Pierre Guionin de Gorillas. Les gens vont vouloir ressortir mais pour des choses agréables, pas pour faire les courses."
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco