BFM Business
Economie

TOUT COMPRENDRE – Les NBT, nouvelles OGM ou avenir radieux de l'agriculture?

Les NBT, nouveaux OGM?

Les NBT, nouveaux OGM? - AFP

Dans une interview donnée à la presse agricole, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie s'est montré davantage ouvert que ses prédécesseurs aux New Breeding Technologies (NBT), des méthodes de biotechnologies végétales controversées. 

Vous avez aimé détester les OGM? Vous allez adorer haïr les NBT. Derrière cet acronyme, une foule de techniques et méthodes employées chez les semenciers ou dans les laboratoires pour rendre les plantes plus résistantes ou plus productives. Tour d'horizon, non exhaustif, des questions et des polémiques qu'elles entourent.  

Que sont les NBT ?

"NBT" signifie "New Breeding Technologies", que l'on pourrait traduire en français par "nouvelles technologies d'amélioration végétale". Concrètement, ce terme un peu fourre-tout réunit des techniques de modification génétique des plantes, apparues ces dernières années. En réalité, le débat est particulièrement vif sur une technique désormais bien connue: l'intervention de l'homme directement sur l'ADN des plantes. L'exemple le plus spectaculaire est l'utilisation du ciseau moléculaire (CRISPR/Cas9), une technique révolutionnaire d'édition du génome qui permet de modifier avec une extrême précision l'ADN des plantes, en déclenchant des mutations ciblées.  

A quoi servent les NBT ?

Pour leurs partisans, les NBT sont le meilleur moyen d'obtenir des plantes plus résistantes au changement climatique, qui consomment moins d'eau ou encore qui résistent aux parasites sans utiliser de pesticides. Des chercheurs travaillent par exemple sur des pommes de terre résistantes au virus Y qui provoque, dans certains pays, des pertes de récolte considérables. Récemment, le gouvernement a de nouveau autorisé l'utilisation des controversés insecticides néonicotinoïdes pour sauver des champs de betteraves ravagés par des virus. Dans une tribune publiée dans Le Monde, des chercheurs ont ainsi réclamé le développement des NBT pour sortir de cette impasse écologique. 

Les NBT sont-elles autorisées ?

Sollicitée sur le sujet, la justice européenne a tranché en 2018. La Cour de justice de l’Union européenne a estimé, par principe de précaution, que les NBT répondaient à la définition européenne des OGM (organismes génétiquement modifiés) et devaient donc être soumises à la même règlementation, très restrictive sur le continent. Suivant cette décision, le Conseil d'Etat a confirmé, en février 2020, cette décision en France. Cela freine considérablement les études sur le sujet en Europe.

Les NBT sont donc des OGM ?

Au-delà de la décision judicaire, le débat fait rage entre les partisans et les opposants. Dans une interview à la presse agricole, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a plaidé pour un changement de règlementation. 

"Les NBT, ce ne sont pas des OGM. Ce sont des technologies qui permettent d'accélérer la sélection végétale" a-t-il assuré. "Cette technologie permet de faire apparaître plus tôt une variété qui aurait pu apparaître naturellement à un moment donné, et c'est très bien. C'est très différent d'un OGM, qui est d'abord une plante, et non une technique, obtenue en allant chercher un gène d'une espèce pour la transférer dans une autre, ce qui n'arrive pas dans la nature."  

Pour les partisans des NBT, l'utilisation du Crispr/Cas9 est ainsi une manière plus précise et rapide d'obtenir des espèces recherchées, sans passer par des croisements classiques comme les hommes le font depuis des siècles.  

Mais l'argument du "naturel" fait bondir les opposants. "Bien sûr que ce sont des OGM dès lors que ces techniques induisent des mutations" alerte le biologiste Yves Bertheau, qui a démissionné en 2016 du Comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies, contestant les positions de ce comité sur la question. Les opposants sont vent debout contre une dérèglementation des NBT.

Ces nouvelles plantes sont-elles sans danger?

Là encore, il s'agit d'un débat similaire à celui des OGM. Les partisans assurent que la méthode n'est pas liée aux controversés OGM. Pour les opposants, les NBT n'offrent aucune garantie. "Ces techniques induisent des mutations non intentionnelles dont on espère se débarrasser" prévient Yves Bertheau. "Mais en réalité, on ne peut pas prédire ce qu'il va se passer". La saisie du Conseil d'Etat, par des ONG, a d'ailleurs pour but de garder ces technologies dans la traçabilité OGM. Une situation et un débat qui condamnent d'avance ces techniques, accusent de leur côté les promoteurs des NBT. 

Thomas Leroy Journaliste BFM Business