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Télétravail: des chercheurs conseillent de raisonner "par activité plutôt que par métier"

Un homme, en télétravail chez lui, participe à une visioconférence, le 14 mai 2020 à Vertou, près de Nantes

Un homme, en télétravail chez lui, participe à une visioconférence, le 14 mai 2020 à Vertou, près de Nantes - Loic VENANCE © 2019 AFP

Les chercheurs de l'Anact estiment que des salariés occupant des fonctions a priori non compatibles avec le télétravail peuvent néanmoins travailler depuis leur domicile pour réaliser certaines activités, comme des tâches administratives, le développement de projets...

Généraliser le télétravail, comme l'a demandé Emmanuel Macron mercredi soir en annonçant un nouveau confinement pour faire face à la pandémie de Covid-19, est envisageable si on raisonne "par activité et non par métier", estiment des spécialistes des conditions de travail.

Avec le retour du confinement, "partout où c'est possible, le télétravail sera à nouveau généralisé", a déclaré le chef de l'Etat lors de son allocution télévisée.

Massivement développé pendant le confinement du printemps, avec seulement un quart des salariés travaillant sur site en mars, le télétravail a sensiblement baissé avec le déconfinement.

La Dares, le service de statistiques du ministère du Travail, estime que fin septembre, 70% des salariés travaillaient sur site et 12% étaient en télétravail. Avec le retour du confinement, "le télétravail doit être le plus massif possible" et instauré "cinq jours sur cinq" dans le privé, a insisté le Premier ministre Jean Castex jeudi devant les députés.

Dans ce contexte, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) estime dans un document daté du 19 octobre que "certains postes qui pourraient être télétravaillés ne le sont pas encore".

Manque de matériel et de compétences numériques

Hors postes nécessaires à la production sur les lieux de travail, "les entreprises n'ont pas basculé tous les postes qui pourraient l'être en télétravail", jugent les chercheurs de l'Anact qui l'expliquent par un "manque d'équipements permettant le travail à distance", une "absence de compétences numériques de base par certains salariés", des "craintes concernant une éventuelle perte d'efficacité ou de contrôle du travail" ou encore par la "perception que certaines fonctions ne peuvent pas être réalisées en télétravail".

"Il est utile de souligner que des salariés occupant des fonctions qu'on imagine a priori non +télétravaillables+ peuvent néanmoins travailler depuis leur domicile pour réaliser certaines activités", ajoute l'Anact.

Exemple: les techniciens de maintenance peuvent assurer à distance des activités de back office (tâches administratives), de suivi des réclamations ou de "partage des pratiques en visioconférence entre les plus expérimentés et les nouveaux".

Le télétravail peut être l'occasion "de traiter les dossiers en retard, de développer des projets, de consolider des actions non prioritaires mais nécessaires. (...) Pour favoriser chaque fois que possible le télétravail, il est donc utile de raisonner par activité plutôt que par métier", conclut l'Anact qui insiste sur une démarche à réaliser "avec les salariés concernés".

Un accord national interprofessionnel jugé indispensable par la CGT

La psychologue du travail Laurence Hamel juge "intéressant de découper son poste de travail en activités et de voir celles qui peuvent être faites à distance". "La réussite du télétravail dépend de la façon dont il est mis en place. Au printemps, cela s'est fait dans l'urgence et de manière non préparée. Plus on va y associer les personnes concernées, moins les résultats seront néfastes pour la santé", explique-t-elle, déconseillant toutefois fortement "le télétravail à 100%" afin de "garder le lien social".

S'il s'agit de trouver "des formes d'adaptation à une période exceptionnelle, pourquoi pas", renchérit la sociologue du travail Danièle Linhart (CNRS), qui jugerait "dommageable" que le télétravail devienne la norme car "travailler c'est participer de la vie commune, rencontrer les autres, sortir de soi, sortir de chez soi."

Côté patronat, Eric Chevée, qui suit les questions de télétravail au sein de la Confédération des PME (CPME) veut bien que "l'Anact nous aide à repérer des secteurs sur lesquels on n'avait pas imaginé faire du télétravail". Il reconnaît toutefois que les patrons de PME "ne sont pas fans du télétravail. Les processus de décision y sont beaucoup moins formalisés que dans une grande entreprise. C'est moins facile de le faire à distance".

Le numéro un de la CGT Philippe Martinez juge pour sa part "indispensable" un accord national interprofessionnel (ANI) "pour que les règles soient claires et les mêmes pour tout le monde", a-t-il répété mardi sur France Inter. Des discussions en vue d'un ANI sur le télétravail doivent démarrer le 3 novembre.

C.C. avec AFP