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SNCF: Pourquoi l'ouverture à la concurrence du TGV n'est pas pour tout de suite

L'ouverture à la concurrence du rail français est prévu pour 2020 pour les TGV et 2023 pour les lignes régionales

L'ouverture à la concurrence du rail français est prévu pour 2020 pour les TGV et 2023 pour les lignes régionales - PHILIPPE HUGUEN / AFP

Officiellement, les rivaux de la SNCF peuvent faire circuler leurs trains y compris sur le réseau TGV depuis décembre dernier. Mais entre la crise sanitaire et leurs difficultés financières, cette perspective s'éloigne.

Où sont les concurrents de la SNCF sur le réseau français? Quasiment nulle part, pour l'instant. Pourtant, le monopole de la société nationale sur le transport intérieur de voyageurs a bel et bien pris fin le 13 décembre dernier suite à la grande réforme de juin 2018 sur les lignes à grandes vitesse. La concurrence pour les lignes Intercités et régionales (TER) étant, quant à elle, ouverte depuis décembre 2019.

>Pourquoi les rivaux de la SNCF se font attendre

Depuis décembre, tout opérateur peut être autorisé à faire circuler des trains sur l’ensemble du territoire, y compris sur les axes les plus rentables tels que: Paris – Lyon, Paris – Lille, Lyon – Marseille, et Paris – Bordeaux.

Pour autant, malgré le potentiel commercial de ces lignes, aucun concurrent de la SNCF ne s'est lancé dans la bataille malgré des manifestations d'intérêt.

Leurs ambitions ont été freinées, voire annihilées, par la pandémie de covid qui sévit depuis un an en Europe. Tous les opérateurs ont vécu une année 2020 assez catastrophique avec un trafic voyageurs en chute libre, à l'image de la SNCF qui a perdu 3 milliards d'euros sur l'ensemble de ses activités.

L'italien Thello (filiale de l'opérateur Trenitalia) qui propose déjà des trains de nuit entre Paris et Venise et opère la desserte Marseille-Nice-Milan, a ainsi décidé de reporter son projet de se positionner sur la ligne Paris-Lyon afin d'établir une liaison jusqu'à Milan. Même décision pour l'espagnol Renfe qui souhaitait faire rouler rapidement ses AVE (son TGV maison) en France.

En cause, un ticket d'entrée évaluée au minimum à 300 millions d'euros (notamment pour la fabrication des rames), déjà élevé en situation normale mais devenu insuportable pour les transporteurs en ces temps de crise.

Calendrier de l'ouverture à la concurrence à la SNCF
Calendrier de l'ouverture à la concurrence à la SNCF © SNCF

Et il faut aussi en prendre l'agressivité commerciale de la SNCF sur certaines lignes, notamment avec Ouigo. Pour la concurrence, s'aligner sur les tarifs de la marque low cost pourrait signifier rouler à perte. Sur une partie de son réseau Inoui, l'opérateur français a, de plus, lancé une offre Business 1ère pour conserver la clientèle d'affaires. Bref, la SNCF n'entend pas se laisser faire: "Notre priorité est de bien comprendre les attentes pour rester en pole position".

Pour autant, le monde du rail mise sur une reprise progressive à mesure que les campgnes de vaccination avancent. Les transporteurs savent également que les mentalités ont changé, que l'avion ne fait plus recette, que le train a clairement sa carte à jouer dans un contexte de transition écologique.

Le réseau français à grande vitesse n'a rien perdu de son attractivité. Thello et Renfe restent sur les rangs. Le premier pourrait se lancer en juin sur le Paris-Lyon-Milan, le second attendrait la fin de l'année pour inaugurer ses cinq allers-retours entre Lyon et Marseille. Pas de renoncements donc mais de l'attentisme

> Pourquoi aucun Intercité n'est passé à la concurrence

Pour les trains d’équilibre du territoire (TET), les choses sont différentes. Ces lignes déficitaires sont aujourd’hui opérées par Intercités, dans le cadre d’une convention avec l’État, l'ouverture à la concurrence se met en place à partir d'appels d'offres organisés par l'Etat ou les régions concernées depuis début 2020. L'objectif est de concéder chaque ligne à un opérateur unique pour réduire la charge qui repose sur le contribuable et/ou améliorer la qualité de service.

Sur ce terrain, la SNCF a prévenu: elle répondra à "chaque mise en concurrence des activités ferroviaires de voyageurs en France, avec une attitude conquérante et met tout en oeuvre pour l’emporter. Chaque appel d'offres est l’occasion de faire valoir les atouts du Groupe: l'expertise de ses équipes, sa capacité d'innovation, l'agilité de ses offres".

Et entre les conditions imposées par les régions et la force de frappe de la SNCF, la concurrence est contrainte de jeter l'éponge notamment pour les lignes Intercités Nantes-Lyon et Nantes-Bordeaux sous la tutelle de l'Etat pour lequelles la SNCF était la seule candidate après le renoncement de trois candidats alternatifs (Transdev, Eurorail et Arriva). Conséquence, l'appel d'offres a été déclaré "sans suite" et reporté à des temps meilleurs.

Quant aux huit autres lignes, elles devront d'abord être rénovées avant l'organisation d'un futur appel d'offres. Bref, là encore, la concurrence va se faire attendre.

>TER: des ouvertures à la concurrence plus avancées

Sur les lignes régionales (TER), la concurrence est autorisée depuis décembre 2019 et les appels d'offres se sont multipliés: notamment pour les régions PACA, Grand-Est et Hauts-de-France.

A également été lancé en décembre dernier le processus d'ouverture du très juteux réseau d'Ile-de-France RER/SNCF qui génère pas moins de 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires avec l'arrivée potentielle de nouveaux opérateurs programmés pour 2023 sur trois lignes. Mais là encore, le ticket d'entrée ne sera pas donné.

Plusieurs opérateurs sont positionnés: Transdev (filiale de la Caisse des dépôts et consignations) en PACA et dans le Grand Est. RATP Dev Rail (qui associe la régie parisienne et Getlink) a choisi le Grand Est (deux lignes) et les Hauts-de-France (trois lignes). Et des acteurs étrangers sont également lice comme Trenitalia ou Abellio (filiale internationale de NS, l'opérateur public néerlandais).

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business