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Ukraine, crise économique: Joe Biden au soutien du Royaume-Uni, allié indispensable mais mal en point

L’étape de Joe Biden au Royaume-Uni, sur la route du sommet de l'Otan, aura été courte, mais marque un soutien particulier. Le président américain a rencontré le roi Charles III et le Premier ministre.

Deux heures montre en main. C'est le temps qu'aura passé Joe Biden sur le sol britannique lundi. En route pour le sommet de l'Otan, le président des États-Unis a tenu à faire une halte chez "son plus grand allié", selon ses mots. Lors de cette visite éclair, Joe Biden s'est entretenu avec le roi Charles III et avec le Premier ministre Rishi Sunak. Les échanges ont été brefs mais leur existence témoigne d'une véritable volonté américaine.

De fait, la cordialité de la main du président des États-Unis sur le dos du roi d’Angleterre, dérogeant aux usages protocolaires, est un marqueur clair. L'administration américaine tenait à marquer un soutien particulier avant de se rendre au sommet de l'Otan, qui se déroule à Vilnius, en Lituanie.

Le ton de Joe Biden s'est beaucoup éloigné de celui du début de son mandat. Il a, cette fois, loué la relation entre les deux pays, qualifiée de spéciale, jadis au 20ème siècle:

"Elle est solide comme un roc (…). Je ne pourrais pas rencontrer ami plus proche et plus grand allié."

Une déclaration tellement appuyée qu'elle montre aussi que cela ne va plus tout à fait de soi.

Une économie britannique à la peine

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a, lui, surtout fait état d’une coopération visant à établir une "sécurité économique commune". Les quelques dizaines de minutes de la rencontre entre les deux dirigents auront servi à confirmer une réunion, dans trois mois, de mise en œuvre d’un accord stratégique économique conclu en juin, présenté comme une réponse solidaire à "la menace croissante de la Chine".

Mais le gouvernement démocrate américain n’a pas pour autant dissimulé son exaspération vis-à-vis d’une majorité conservatrice britannique qui aura eu tant de mal à faire émerger un interlocuteur. Un responsable de l’administration Biden distille ainsi, auprès de la chaîne américaine CNN, cette formule anonyme de commisération:

"Après le Brexit, sous Boris [Johnson] et [Liz] Truss, le Royaume-Uni était tellement dans le besoin. Le temps est la denrée la plus précieuse de la Maison-Blanche et nous n'avons tout simplement pas eu le temps de leur tenir la main."

Difficile de faire plus acerbe à l'endroit d'un prétendu "ami le plus proche"…

Le constat américain est également celui d’une activité britannique qui a décroché de celle du reste du G7. "Un cercle vicieux" de sous-investissement et de stagnation économique, pour reprendre l’appréciation récente d’un institut de recherche de centre-gauche à Londres, l'IPPR. Le Fonds monétaire international s’attend à une contraction du produit intérieur brut de 0,3% cette année. Et d’après l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), parmi les plus grandes économies avancées, le Royaume-Uni demeure le seul pays pris dans une dynamique inflationniste.

Raison pour laquelle, comme l'expliquait le mois dernier le Wall Street Journal, lors d'une visite de Rishi Sunak à Washington, "le Royaume-Uni dit aux États-Unis: nous sommes votre principal allié militaire, aidez maintenant notre économie".

Un allié militaire incontournable malgré tout

Mais cet alignement militaire ne va pas non plus sans nuances. Affirmer, comme l’a fait le président des États-Unis, que la relation est "solide comme un roc" vise également à dissiper la divergence de vue quant à la décision américaine de livrer à l’Ukraine des bombes à sous-munitions. Londres, comme les autres capitales européennes, est signataire de la convention internationale de 2008 visant à l'élimination de ces armes, et les Britanniques l’ont fait savoir aux Américains sans détours.

Ceci posé, l’administration Biden s’appuie sur le Royaume-Uni comme sur aucun autre des 31 membres de l’Otan. Notamment au moment où se pose formellement aujourd’hui la question d’une adhésion anticipée de l’Ukraine à l’alliance, dont ne veut pas la Maison-Blanche.

Mardi, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, Jake Sullivan, a déclaré qu'une "voie de réformes" allait être tracée pour l'Ukraine afin qu'elle puisse rejoindre l'organisation. Pas davantage, et de surcoît sans donner de calendrier. Les Démocrates semblent persuadés que l'opposition républicaine ferait de cette adhésion un facteur de tumulte politique d'ici aux élections de novembre 2024.

La diplomatie américaine attend alors des Britanniques - et des Allemands - qu’ils appuient, auprès de l'Europe centrale et orientale, cette fin de non-recevoir adressée à Kiev.

L'Europe suiveuse des États-Unis?

Quoi que requiert Washington, il faut aller dans son sens pour un éditorialiste du Telegraph, l'un des principaux titres conservateurs de Londres, qui le justifie de la sorte: "Lorsque l'empereur de la nouvelle Rome vient nous rendre visite, nous ferions mieux de nous montrer gentils : nous comptons sur l'Amérique pour notre protection, voire notre survie."

Il n’y a pas là que de la figure de style baroque. On s’inquiète beaucoup dans cet éditorial d’une perspective d’alternance à Washington qui pourrait conduire l’Europe, et en son sein le Royaume-Uni, à devoir faire face, seule, à la Russie. En mai dernier, l'ex-président Donald Trump, candidat potentiel, n'avait en aucun cas voulu dire que l'Ukraine devait gagner la guerre, et soutenu que lui, de retour au pouvoir, règlerait le conflit en "24 heures".

C’est donc dans cette logique qu’un courant britannique substantiel considère qu’il faut, sans attendre, donner corps au projet de l’administration Biden de former une coalition spécifique au sein et en marge de l’Alliance. En juin 2022, la représentante permanente américaine auprès de l’OTAN, Julianne Smith, avait évoqué favorablement un partenariat resserré avec des capacités conjointes entre le Royaume-Uni, la Pologne, les États baltes et, par ailleurs, l’Ukraine. Une idée qui peut revenir au goût du jour cet été.

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international