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Pourquoi EDF ne tient jamais son calendrier de redémarrage des réacteurs nucléaires

Depuis trois mois, BFM Business suit au jour le jour les arrêts des réacteurs nucléaires en France. Leur calendrier de relance n’est jamais respecté et les retards sont permanents.

C’est une boussole qui ne montre jamais le nord. Depuis le mois de septembre, le gouvernement et l’industrie nucléaire ont les yeux rivés sur le planning des 56 réacteurs d’EDF. L’enjeu: qu’un maximum soit opérationnel pour passer l’hiver. Depuis trois mois, BFM Business suit au quotidien l’évolution du parc nucléaire français, réacteur par réacteur. Le constat est clair: le calendrier d’EDF n’est pas tenu.

Quelques exemples concrets de ce dérapage permanent. En septembre, EDF a redémarré seulement cinq réacteurs alors qu’il en prévoyait le double en début de mois. Et trois seulement ont relancé leur production dans les temps. Le mois d’octobre a été affecté par les grèves pour des hausses de salaires; ce qui a perturbé ce calendrier, indépendamment de la volonté d’EDF. Mais le mois de novembre a lui aussi connu de gros retards. Sur les douze réacteurs qui devaient revenir sur le réseau, cinq ont été décalés à décembre.

RTE table sur des retards de 30% du temps d'arrêt

Ces derniers jours, ces retards ont continué comme sur les réacteurs de Gravelines (3), Cattenom (4). Ces deux exemples sont révélateurs. Le premier est en "maintenance courante" depuis le mois de mars. EDF a décalé son planning une dizaine de fois! Mardi, le groupe annonçait sa remise en service pour ce jeudi 8 décembre. Hier, elle a été retardée à mardi prochain… Le second, Cattenom numéro 4 est contrôlé depuis un mois pour détecter d’éventuelles corrosions sur de la tuyauterie. C’est aussi ce qui pousse EDF à repousser le planning de quelques réacteurs ces derniers mois. Annoncé pour mi-novembre, puis fin novembre, il devait enfin être relancé hier et doit finalement l’être aujourd’hui.

Difficile de se fier au calendrier prévisionnel d’EDF. C’est pourtant la "bible" dans le secteur ces temps-ci. Lors de sa conférence de presse sur les prévisions de l’hiver, le gestionnaire du réseau électrique (RTE) avait expliqué "prendre des marges d’erreur" par rapport à ce planning. Selon nos informations, il table en général sur un décalage de 30%. Si un réacteur doit être arrêté 4 semaines, RTE prend une hypothèse d’une semaine à dix jours de retard.

Même chose pour les maintenances de longues durées. Ces "visites décennales" durent en général trois mois, et RTE prend une marge d’au moins un mois de retard. "En réalité, cela fait trois ans que RTE a totalement arrêté de se fier au planning d’EDF" explique un bon connaisseur de l’entreprise.

Problème de fiabilité

Chez EDF, on reconnait que ces décalages incessants posent la question de la "fiabilité" de l’information donnée. "Nous donnons notre vision la plus optimiste quitte à la décaler en totale transparence vis-à-vis des opérateurs sur le marché de l’électricité, explique un porte-parole. Nous ne pouvons pas prendre de marge de précaution". EDF doit livrer ses informations au quotidien au risque d’être accusé de les cacher au marché.

En octobre, la ministre de la Transition énergétique comptait encore sur la promesse d’EDF de redémarrer tous ses réacteurs cet hiver. Aujourd’hui, Agnès Pannier Runacher déchante. "La loi impose de communiquer une information sincère", botte en touche son cabinet qui reconnait toutefois qu’il "est compréhensible d’avoir des arrêts fortuits et des incertitudes qui peuvent amener à des reports". Et renvoie la balle à EDF "il est de leur responsabilité de tenir ce calendrier", ajoute son entourage.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business