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Retraite

Une autre réforme des retraites sera-t-elle nécessaire d’ici 2030?

Faudra-t-il une autre réforme des retraites après celle-ci qui, sera examinée dans l'hémicycle dès ce lundi et d'après certains, ne suffira pas? Les économistes interrogés par BFM Business expliquent que c'est possible, mais cela dépendra notamment des taux d'emploi et de productivité du pays.

La réforme des retraites est toujours vivement contestée. Alors que des manifestations ont eu lieu dans toute la France mardi dernier pour contester le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans entre autres mesures phares du texte, le gouvernement continue de pousser fermement son projet. 

Un des arguments souvent brandis pour défendre la réforme est la nécessité de résorber les déficits du système qui autrement atteindraient 13.5 milliards d'euros (par an) à la fin de la décennie, d'après le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire. 

Ainsi la réforme permettrait un retour à l’équilibre d'ici 2030. Et après? Certains experts évoquent déjà la possibilité d'une nouvelle réforme.

La gestion du système des retraites, "c’est du pilotage"

Raymond Soubie, ex-conseiller social de Nicolas Sarkozy, en est convaincu: après cette réforme, une autre sera nécessaire d’ici la fin de la décennie. 

“Déjà aujourd’hui, on est sûr qu'il faudra une nouvelle réforme des retraites vers 2028/2029,” expliquait le président du groupe de conseil et de services RH Alixio. 

Selon lui, la réforme actuelle ne sera pas suffisante pour garder les comptes dans le vert après 2030 à cause des concessions du gouvernement sur son projet initial.

Du côté des deux économistes interrogés par BFM Business, une seule certitude: il n’y a pas de certitudes.

“Il est probable qu’on ait besoin de faire une autre réforme mais ce n’est pas sûr.”

C’est le constat d’Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision à l'OFCE. Il explique que la gestion du système de retraite, c’est du pilotage à vue, un ajustement progressif. Et pour lui, tout dépend notamment du taux de croissance de la productivité du travail dans les années à venir, un taux que personne ne peut prévoir à l’avance avec précision.

Pour faire ses prévisions du solde financier du système de retraite jusqu’en 2030, le gouvernement a utilisé un scénario de croissance de la productivité long-terme à 1% que certains jugent optimiste. “Je ne suis pas sûr qu’on puisse tout de suite dire que c’est trop optimiste,” note le membre du Haut Conseil des finances publiques. Si l’avenir fait mentir les estimations alors une réforme sera nécessaire, estime Eric Heyer qui rajoute qu’un système par répartition à l’équilibre, ou qui s'en rapproche, est important, mais qu’un petit déficit ne prête pas à conséquence.

Pour savoir si une autre réforme sera nécessaire d’ici la fin de la décennie, il faut donc attendre. Attendre entre autres de connaître les chiffres de la productivité et les effets de la réforme actuellement débattue. “Est-ce qu’il n’y aura pas de nouvelles crises?” se demande également Eric Heyer.

Le déficit, un problème “subalterne”

Il n’est pas impossible qu’il faille réajuster le système s’il rencontre des difficultés financières, d’après Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne et fondateur de la société d’études et de stratégies économiques Lorello Ecodata. Il note que l’on devrait passer de 17 millions de retraités cette année à 20 millions en 2040 ce qui n'arrangera pas l'équilibre recherché des caisses des régimes de retraite. Pour lui cependant, le déficit est un problème “subalterne.”

“Pour moi, la question n’est pas sur le déficit,” dit Philippe Crevel.

C'est principalement le manque de main d’œuvre, ou pour le dire autrement le taux d'emploi, qui poserait problème selon lui. S'il augmentait, il permettrait en même temps de juguler les futures pertes potentielles du système. Le nombre de personnes qui travaillent est une problématique qui ne peut que s’aggraver si l’on ne prend pas de mesures, explique Philippe Crevel. La hausse des heures de travail, le recours à l'immigration et le recul de l'âge de départ à la retraite sont les mesures qui permettent d'y remédier d'après lui.

Il souligne aussi que le taux de natalité en France, pour l’instant au-dessus de la moyenne européenne, va progressivement se réajuster à la baisse.

Philippe Crevel rappelle tout de même qu’avant d’aborder le sujet d’une nouvelle réforme, celle actuellement débattue doit passer.

Olivia Bugault