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La famille Ricard cherche à se renforcer chez Pernod

Elle anticipe la prise de recul du deuxième actionnaire Groupe Bruxelles Lambert. Et réfléchit à consolider sa présence au capital alors que les nouvelles générations arrivent.

Les grandes manœuvres se préparent chez Pernod Ricard. Rien ne sera officiellement discuté lors de l’assemblée générale aujourd’hui. Mais en coulisses, le groupe de vins et de spiritueux est entré dans une phase d’évolution de son capital. Son PDG, Alexandre Ricard prépare depuis la rentrée la prise de recul du deuxième actionnaire, le Groupe Bruxelles Lambert (GBL). La société des héritiers du financier Albert Frères, détient 7,5% de Pernod. Un allié important pour la famille Ricard qui contrôle seulement 13,93% du groupe familial, et un soutien de poids lors de l’offensive du fonds activiste Elliott en 2018. Ensemble, ils disposent de 33% des droits de vote du groupe et donc la minorité de blocage.

Tout mouvement de GBL est donc scruté avec attention par Pernod Ricard. Selon plusieurs sources proches des deux groupes, leurs patrons évoquent depuis quelques mois l’allègement de GBL d’ici quelques années.

"Ian Gallienne et Alexandre Ricard s’entendent très bien, les choses se feront de manière ordonnée", assurent ces sources.

Il y a quelques mois, ils ont même envisagé qu’une petite part des 7,7% de GBL soit rachetée par Pernod. L’objectif étant d’éviter que des actions du groupe tombent entre de mauvaises mains. Alexandre Ricard reste très prudent depuis le raid d’Elliott.

Pernod Ricard n'est "pas une vache sacrée"

Le cours de Bourse est passé de plus de 200 euros à 180 euros, permettant à tout le monde de temporiser. GBL ne veut pas que ses parts dans Pernod pèse plus de 20% de l’ensemble de ses actifs financiers. Or c’était le cas il y a six mois quand l’action était au plus haut. Dans les semaines à venir, la société d’investissement envisage de vendre une petite part - environ 0,5% - à travers des instruments financiers. La société assure "être un actionnaire de long terme et n’a aucune intention d’entamer un processus de sortie du capital de Pernod Ricard". Mais il y a un an, son patron Ian Gallienne confiait aux Echos que Pernod Ricard n’était "pas une vache sacrée".

La réalité est plus nuancée. "Il ne vendra pas tout mais il va réduire ses parts", reconnait un proche du groupe d’alcools. "La direction est très claire pour tout le monde, ajoute un proche de GBL. En période de crise, il faut avoir des liquidités et profiter du cours de Pernod qui est haut pour vendre un peu". Son patron veut trouver l’équilibre entre récupérer des fonds et conserver une participation rentable, qui lui a rapporté 31 millions d’euros de dividendes depuis le début de l’année.

Plusieurs options sont envisagées: la vente d’une petite part sur les marchés et à Pernod, directement ou à travers un rachat d’actions. L’objectif étant de remonter le niveau de la participation de la famille Ricard au capital. Ces opérations ont toutefois leur limite. "Pernod ne peut pas dépenser trop d’argent pour racheter des actions de GBL, note un bon connaisseur du groupe. Il serait sinon accusé par ses actionnaires minoritaires de ne favoriser que la famille Ricard". Une critique qu’Alexandre Ricard, PDG et petit-fils du fondateur, veut éviter. C’était un angle d’attaque d’Elliott.

Eviter l'éparpillement des générations

La question de l’avenir de GBL est d’autant plus sensible qu’elle intervient au moment où la famille veut assurer sa pérennité chez Pernod. Selon nos informations, une de ses membres a vendu ses parts il y a quelques mois aux autres héritiers. "Cet évènement conduit les Ricard à réfléchir comment maintenir leur poids chez Pernod" explique une source au fait de ses discussions. La famille s’élargit et compte une soixantaine d’héritiers.

Agé de 50 ans, le PDG Alexandre Ricard représente la troisième génération. Certains membres de la quatrième génération approchent les trente ans comme sa nièce Eole Peyron, fille du navigateur Stéphane Peyron. L’objectif est d’éviter l’éparpillement.

"Certains veulent vendre leurs parts c’est normal, reconnait-on chez Pernod. Mais globalement, la famille cherche à se renforcer". L’an passé, elle a racheté 0,7% du capital pour 230 millions d’euros, justifie le groupe, même si cela est intervenu deux ans après la vente de 2% de Pernod.

Le cas d'école d'Hermès

La famille Ricard tient à garder la main sur le groupe qui porte son nom. Elle réfléchit à anticiper ces ventes d’actions pour mieux les financer. La société Paul Ricard dispose de droits de préemption sur les parts des héritiers. Mais si une branche entière veut tout vendre, les autres n’auront pas les moyens de financer leur rachat.

"Les Ricard réfléchissent à structurer un mécanisme pour anticiper les ventes de parts à l’intérieur de leur famille, explique un bon connaisseur du groupe Pernod. Cela pourrait ressembler à une bourse interne".

Les Ricard regardent de près ce que la famille Hermès a fait il y a dix ans pour sanctuariser ses parts dans le groupe de luxe. Le capital était alors éclaté auprès d’une soixantaine d’héritiers, ce qui avait conduit LVMH à lancer son offensive. Les Ricard, eux aussi, veulent se prémunir d’une attaque. Lors de l’offensive d’Elliott, l’ombre de Bernard Arnault planait au-dessus de Pernod Ricard.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business