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"Des indicateurs meilleurs que prévu": deux ans après le début de la guerre, l'économie ukrainienne plie mais ne rompt pas

Après le choc de 2022, l'économie ukrainienne s'est redressée l'an passé. Une capacité de résilience qu'elle doit à l'adaptation de ses entreprises et aux aides occidentales.

C'est l'autre front de la guerre en Ukraine. Deux ans après le début de l'invasion russe, le gouvernement ukrainien tente de maintenir à flots une économie lourdement pénalisée par les combats incessants sur son territoire.

Le défi est immense. En 2022, le pays a vu son PIB fondre de près de 30%. Sa population active a elle reculé sensiblement alors que des centaines de milliers d'Ukrainiens ont été envoyés au front et que des millions d'autres ont fui à l'étranger. À l'est, l'Ukraine a perdu une part importante de son industrie implantée sur la partie du territoire aujourd'hui occupé par les forces russes.

Côté agriculture, la production de céréales ukrainiennes a chuté de 29% pour la campagne 2022-2023. Et si l'accord signé mi-2022 avec la Russie a permis dans un premier temps à Kiev de continuer de livrer des céréales aux pays défavorisés via la mer Noire, la suspension par Moscou de cet accord l'an passé s'est soldée par une baisse de moitié de leurs exportations à fin 2023.

Des résultats économiques meilleurs que prévu

L'économie ukrainienne n'est pas coulée pour autant. Après le choc subi dans les mois qui ont suivi le déclenchement du conflit, l'activité du pays s'est stabilisée avant de se redresser légèrement. "Le choc économique en 2022 était prévisible, mais ce qui est notable, c'est que l'économie ne s'est pas effondrée. Le système bancaire fonctionne, la monnaie se maintient, les magasins sont approvisionnés, les entreprises résistent...", indique Sylvain Bersinger, chef économiste chez Asterès.

Fin 2023, Kiev a annoncé avoir pu exporter sept millions de tonnes de matières premières depuis l'ouverture en août d'un corridor céréalier en mer Noire, et ce malgré les menaces formulées par Moscou contre les bateaux naviguant vers et depuis les ports ukrainiens.

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Avec l'aide du gouvernement, les entreprises implantées en Ukraine se sont quant à elles adaptées en délocalisant parfois leurs usines vers le centre et l'ouest du pays, des zones éloignées du front. Selon un rapport de l'université d'économie de Kiev relayé par Les Échos, près de 28% des entreprises qui ont déplacé leurs sites de production ont déjà retrouvé leur niveau d'activité d'avant-guerre, et 43% devraient y parvenir dans l'année qui vient.

Certaines multinationales ont même investi en Ukraine malgré le conflit. C'est le cas de Bayer qui a promis 60 millions d'euros pour son usine de production de semences de maïs à Pochuiky ou de Nestlé qui a annoncé 40,5 millions d'euros pour construire une nouvelle usine à Smolyhiv.

Cette capacité de résilience a permis à l'économie ukrainienne de croître de 4,5% en 2023, selon le FMI.

"Le PIB ukrainien, comme la production industrielle, se situent, après deux ans de guerre, à un niveau près de 30% inférieur à celui de début 2022. Cependant, au vu des conséquences de la guerre, la baisse de production de l’économie ukrainienne est restée limitée", relève Sylvain Bersinger.

S'ils sont donc encore loin de retrouver leur niveau d'avant-guerre, les indicateurs macroéconomiques ont "été meilleurs que prévu, contribuant à une révision à la hausse des perspectives de croissance", a encore souligné le FMI qui table sur une progression du PIB ukrainien comprise en 3 et 4% cette année. Quant à l'inflation, elle a nettement ralenti grâce à la réorganisation de l'économie, passant de 26,6% en moyenne en 2022 à environ 10% aujourd'hui.

D'importants besoins de financement

Bien entendu, les prévisions concernant la trajectoire de l'économie ukrainienne dans les prochains mois et prochaines années "restent soumises à des risques importants liés à l'incertitude exceptionnellement élevée résultant de la guerre", poursuit le FMI. Sa capacité de résistance dépendra aussi des financements étrangers. Car si Kiev parvient encore à faire tourner son administration et ses entreprises, c'est en partie grâce aux milliards de dollars d'aides apportés par les pays occidentaux, les États-Unis au premier chef.

Le Parlement américain discute actuellement d'une nouvelle enveloppe de 60 milliards de dollars pour l'Ukraine, tandis que l'Union européenne s'est accordée début février sur une aide financière supplémentaire de 50 milliards d'euros jusqu'en 2027. Parmi les mesures de soutien à son économie, Kiev a également obtenu de l'UE une suspension des droits de douane sur ses exportations afin de stimuler son commerce extérieur. Ce soutien est indispensable pour l'Ukraine.

"S'il n'y avait pas eu les aides militaires, commerciales et financières des occidentaux, le pays se serait probablement effondré économiquement", estime Sylvain Bersinger.
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Les aides financières en particulier permettent au gouvernement de continuer à faire tourner le pays, en payant les factures de l'État, les fonctionnaires ou encore les pensions de retraite. D'autant que l'Ukraine, qui entend dépenser la moitié de son budget pour la défense en 2024, affiche un déficit préoccupant.

D'après la société d'investissement ICU basée à Kiev, le déficit ukrainien (avant aide étrangère et prêts) "dépassera 10% du PIB au moins jusqu'en 2027, et descendra en dessous de 5% seulement au-delà de 2030". Le gouvernement estime pour sa part à 41 milliards d'euros son besoin de financement de la part des alliés et des organisations internationales comme le FMI en 2024. Selon les premières projections, celui-ci devrait être couvert à hauteur de 30 milliards d'euros par ses alliés.

S'ajoutera à terme le coût de la reconstruction du pays. En avril 2023, il avait déjà été estimé par la Banque Mondiale à 411 milliards de dollars, soit deux fois plus que la taille de l'économie ukrainienne avant la guerre.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco