BFM Business
International

Céréales: les exportations ukrainiennes et russes menacées, les prix au plus haut

L'invasion russe en Ukraine déstabilise les marchés des matières premières, les deux pays comptant parmi les plus importants pour le blé ou le maïs.

Il est encore trop tôt pour mesurer l'impact à long terme de l'invasion russe en Ukraine sur les cours des matières premières. Mais les prix connaissent une hausse violente : la tonne de blé a atteint 344 dollars sur Euronext, son plus haut historique, avant de redescendre vers les 320 euros. Sans atteindre ces niveaux inédits, le maïs a aussi vu son cours flamber, grimpant jusqu'à 304 euros la tonne (280 euros à l'ouverture).

Le cabinet Agritel évoque quelques éléments d'explication :

Difficile dans le contexte actuellement de prévoir l’intégralité des conséquences de l’action russe sur les marchés, sachant que des ports comme Marioupol ou Odessa deviennent inopérants ce matin en raison des bombardements. Dans ce contexte, les exports au départ de la mer Noire sont interrompus, avec pour implication une hausse des cours tous produits confondus" souligne Agritel.

Réserves et exportations

L'Ukraine et la Russie pèsent en effet lourd dans le marché mondial des céréales : les deux pays représentent 29% des exportations de blé mondial (17% pour la Russie, 12% pour l'Ukraine). L'Ukraine vend en outre la moitié de l'huile de tournesol mondiale.

Cette proportion a augmenté ces dernières années avec le "réarmement agricole" russe qui a suivi les sanctions européennes en 2014, après l'invasion de la Crimée. Moscou avait en retour imposé un embargo sur les importations européennes, et en a profité pour augmenter sa production nationale sur certains produits agricoles.

L'Ukraine est de son côté une arme géopolitique d'importance sur ce plan : si elle exporte 12% de la production mondiale, elle n'en produit que 4%: elle exporte donc une large partie de sa production, notamment depuis les provinces de l'Est, les premières envahies par le Kremlin.

La situation va même encore s'améliorer: selon le dernier bulletin de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les conditions sont optimales pour la récolte de cette année, ce qui devrait permettre au pays de constituer des réserves plus importantes encore, avec un pouvoir de marché d'autant plus fort. De quoi gripper la machine mondiale en cas de sanctions.

À début février, l’Ukraine disposait encore de plus de 6,3 Mt de blé tendre à exporter, soit une quantité record pour cette période de l’année. Habituellement, sur les mois de février et de mars, le pays compte pour 8 à 10 % du marché mondial. Du côté du maïs, le constat est encore plus lourd car le pays compte habituellement pour 25 à 30 % du commerce des quatre grands exportateurs sur cette même période.

La France peu concernée ?

Reste qu'à l'échelle française, les autorités se veulent rassurantes. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est montré rassurant hier sur BFMTV :

Le blé du Donbass sera exporté vers l’Afrique du nord et plus vers l’Europe, cela n’aura pas d’influence sur le prix. Les prix avaient déjà augmenté, depuis un moment. Et nous répondons par la protection la plus forte possible."

D'autres pays, comme l'Egypte ou la Turquie, seraient à l'inverse hautement dépendants. Le Caire a passé un appel d'offre hier, sans que l'on sache si le pays pourra disposer de céréales ukrainiennes.

Sur BFM Business, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a dit craindre d'éventuelles mesures de rétorsion de la Russie contre les produits agricoles européens, comme cela s'était passé en 2014.

Une déstabilisation des marchés, et la hausse des prix associée, pourraient même à terme avantager la Russie, du fait de ses exportations.

Valentin Grille