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"Inciter davantage à l'activité": le gouvernement s'apprête à sabrer dans les dépenses chômage

Si les allocations chômage ne représentent que 6% du total des dépenses sociales, l'exécutif devrait à nouveau en durcir les règles en 2024 pour inciter au retour à l'emploi. Voici les pistes envisagées.

Une croissance qui ralentit, un chômage qui stagne, l’inflation qui reflue… C’est l’heure du serrage de vis budgétaire du côté du gouvernement. Après les 10 milliards d’euros de coupes annoncées la semaine dernière, l’exécutif veut s’attaquer aux dépenses sociales et en particulier à celles qui concernent l’indemnisation chômage.

Les gouvernements Macron ont déjà beaucoup réformé. Avec la dégressivité des allocations de 30% dès le 7ème mois pour les personnes gagnant plus de 4500 euros brut (mise en place en 2021). Ou encore la durée maximale d’indemnisation ramenée à 18 mois au lieu de 24 mois (en 2023).

Mais le gouvernement veut remettre le travail à l'ouvrage. Le Premier ministre Gabriel Attal s'est dit ce mardi favorable à ce qu'on "rouvre le chantier" de l'assurance chômage pour avoir "un modèle social qui incite davantage à l'activité".

Plusieurs pistes sont à l'étude. D'abord l'exécutif pourrait de nouveau réduire la durée maximale d'indemnisation. Elle est actuellement de 18 mois (mais modulée selon la conjoncture), l’idée serait de la raccourcir pour la rapprocher des pays qui ont des taux de chômage plus bas comme l’Allemagne où la durée n’excède pas 12 mois.

Autre levier: aligner la durée d’indemnisation maximale des seniors sur celle des autres demandeurs d’emplois. Aujourd’hui, les plus de 55 ans peuvent bénéficier d'une durée d'indemnisation de 27 mois. Au sein du gouvernement, on estime que c’est une forme de préretraite qui ne dit pas son nom.

La France championne des dépenses sociales

Autre piste : étendre la dégressivité des allocations qui ne concerne aujourd’hui grosso modo que les cadres qui touchent plus de 4500 euros brut par mois. Au septième mois de chômage, leur indemnité est amputée de 30%.

Dernière mesure envisagée: augmenter la fiscalité pour les bénéficiaires des allocations chômage qui ont un taux réduit de CSG de 6,2% contre 9,2% pour les actifs en emplois.

Mais aussi augmenter la fiscalité et notamment la CSG sur les bénéficiaires des allocations. Le taux est aujourd’hui de 6,2% contre 9,2% pour les actifs en emploi.

Le gouvernement se donne jusqu'à fin mars pour trancher entre ces différentes pistes.

Mais pourquoi toucher aux dépenses sociales sur l’emploi qui ne sont pas de loin le plus gros poste de dépenses en la matière ?

La France est certes le pays qui a le niveau de dépenses sociales le plus élevé au sein de l'UE avec 32,2% du PIB qui y est consacré contre 27% en moyenne chez nos voisins.

Dépenses sociales en % du PIB.
Dépenses sociales en % du PIB. © BFMTV

Mais ce sont les dépenses vieillesse et santé qui sont de loin les plus gros postes. Sur les 12.550 euros de prestations sociales versés par habitant en 2022 selon la Drees, les retraites représentent 5550 euros, les dépenses de santé 4700 euros et l'emploi ne représente que 700 euros. La France dépense plus que la moyenne européenne (500 euros) mais ce poste ne représente pas plus de 6% du total des dépenses sociales contre 44% pour les retraites et 37% pour la santé.

Avec 700 euros par habitant en 2022, l’emploi représente moins de 6% des dépenses sociales.
Avec 700 euros par habitant en 2022, l’emploi représente moins de 6% des dépenses sociales. © BFMTV

Les économies potentielles sont moindres, mais l'enjeu pour l'exécutif n'est pas seulement comptable. La question de l'emploi est à la racine de nombreuses autres dépenses car c’est le travail qui finance le modèle social via les cotisations et les impôts et taxes qui y sont affectés. En 2022, sur les 849 milliards d'euros de dépenses sociales, les cotisations en ont financées 58% (493 milliards) et les impôts 33% (279 milliards).

Inciter au retour à l'emploi en durcissant les règles pour accroître les ressources. C'est le calcul de l'exécutif.

Durcir les règles, ça marche?

Pour rappel, le taux d'emploi (part des 15-64 ans en emploi) est plus faible en France que chez la plupart de nos voisins. Il est de 68% contre 77% chez nos voisins allemands, suédois, danois et atteint même 82% aux Pays-Bas.

Si la France avait le même taux d’emploi que l’Allemagne (ce qui était le cas au début des années 2000) le PIB serait supérieur de plusieurs centaines de milliards d’euros et les rentrées fiscales permettraient de réduire drastiquement les déficits.

Reste un gros point d'interrogation dans cette stratégie gouvernementale. Le durcissement des règles d'indemnisation chômage est-il un levier efficace de retour à l'emploi ? La dégressivité des allocations chômage par exemple, une mesure entrée en vigueur en 2021 n'a pas eu de résultats spectaculaires selon l'Unedic.

Pour atteindre le plein-emploi en 2027, la majorité envisage d'ailleurs d'autres pistes comme une nouvelle salve de déréglementations et des mesures pour améliorer la productivité.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco