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Grèves: peu d'impact sur la croissance mais des commerces clairement mis en difficulté 

Baisse de la fréquentation des magasins, absentéisme, retards de livraison... Depuis le 5 décembre, le mouvement social contre la réforme des retraites a un impact fort sur le chiffre d'affaire des commerces de proximité, des hôtels et des restaurants.

La SNCF perd 20 millions d’euros de chiffre d’affaire par jour depuis le début de la grève contre la réforme des retraites. Mais la conséquence de ce mouvement social qui perturbe les transports de ceux qui travaillent comme de ceux qui prennent des vacances a aussi de lourdes conséquences pour le commerce. Notamment en Ile-de-France.

S'appuyant sur les témoignages des commerçants, la Chambre de Commerce et de l’industrie de la première région de France affirme que 96% des marchands constatent une baisse de fréquentation de leurs magasins. "Nous constatons à travers cette enquête que le commerce lié à l’alimentation est le secteur le moins pénalisé", ajoute la CCI." Mais qu'en est-il précisément? 

Des capteurs mis à contribution 

Pour affiner ces chiffres, on peut se fier aux données recueillis par plusieurs start-up. Tiller, qui vend des caisses connectées aux commerces de proximité peut mesurer à l'euro près l'impact de la grève sur le chiffre d'affaires de ses 8500 clients. En moyenne, sur les trois dernières semaines, la baisse atteint 27% par rapport aux ventes réalisées sur les trois semaines précédentes de novembre. "C’est un impact assez important alors que ce mois est censé être un des meilleurs de l’année", explique Jennifer Moukouma, responsable du marketing pour Tiller. "Dans les arrondissements parisiens où il y a beaucoup d’entreprises comme le XIIème et le Ier arrondissement, on enregistre une baisse de 40 ou 50% d’activité", continue-t-elle.

La start-up Stackr propose elle des chiffres indiscutables sur la fréquentation des magasins. Elle a en effet équipé 14.500 petites, moyennes et grandes surface de capteurs. Elle peut mesurer l’évolution de l'affluence quotidienne dans ces commerces. Durant les deux premières semaines de la grève (5-19 décembre 2019) elle a baissé de 6% comparativement à la même période de 2018, elle-même déjà fortement impactée par le mouvement des Gilets Jaunes.

Si on prend pour référence la même période de 2017, la baisse de fréquentation est de près de 10% pour toute la France. Mais à Paris, la baisse dépasse les 17% par rapport à 2017. Et même davantage dans les quartiers qui attirent le plus les consommateurs non-parisiens (-27 % dans les grands magasins du boulevard Haussmann et -34% aux Halles).

Les sites de e-commerce en ont-ils profité? La Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) assure ne pas observer de hausse imputable à la grève. Mais fin novembre, elle prévoyait tout de même que les achats de Noël allait progresser de 9% par rapport à 2018.

Le tourisme touché 

L’hôtellerie est aussi particulièrement touchée. Pour le jeudi 5 décembre seulement, le taux d’occupation de l’hôtellerie francilienne affichait un recul de 10 points par rapport à l’an dernier, chiffre le cabinet MKG Consulting. "Il y a eu un léger sursaut durant le premier week-end de décembre ce qui montre que c’est principalement la clientèle d'affaires qui a anticipé les grèves en reportant leur séjour", analyse-t-il. Jusqu’à la veille des vacances, le taux de remplissage des hôtels oscille entre 60 et 65%. "Cette grève met en danger des milliers d’entreprises et leurs salariés. Stop SVP" écrit sur Twitter Jean-Virgile Crance président du Groupement National des Chaînes Hôtelière (GNC).

Pour autant, l'insee comme la Banque de France assurent que cette grève n'aura pas d'impact significatif sur la croissance. Le gouverneur de la Banque de France a bien résumé la situation la semaine passée dans un entretien au Figaro. Pour François Villeroy de Galhau "ces mouvements pèsent finalement peu sur la croissance de l’économie, avec plutôt un simple décalage de l’activité". Décalage dans le temps et report d’un secteur à l’autre. Ce que la SNCF ou la RATP vont perdre, les VTC, les taxis, les stations service, les vendeurs de vélos le récupèrent.

Reste que cette grève risque de faire des victimes parmi les commerçants. Certains n'auront peut être pas d'autre choix que de mettre la clé sous la porte.

Sibylle Aoudjhane