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Guillaume Almeras

Pourquoi les banques françaises sont incapables de chiffrer leur nombre de clients 

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Alors que l’on parle beaucoup actuellement des conquêtes et des pertes de clients des banques françaises, personne ne sait au million près combien les banques ont de clients. Ce qui est assez étonnant. Et problématique !

Combien les banques ont-elles de clients ? Normalement, la réponse est dans le Ficoba, le fichier de tous les comptes bancaires et assimilés, ainsi que de leurs propriétaires, que gère la Direction générale des Finances Publiques. Y tient-on des statistiques précises cependant ? Si tel est le cas, il est difficile d’y avoir accès. Selon les rares chiffres communiqués, 80 millions de personnes physiques, résidentes et non résidentes, sont recensées dans le Ficoba (un chiffre tout rond, qui n’a pas varié depuis des années…).

D’un autre côté, les six premiers groupes bancaires français déclaraient avoir environ 111 millions de clients particuliers en France fin 2017. Si l’on y ajoute les autres banques, on peut sans doute compter de 115 à 120 millions clients particuliers des banques françaises. Ce n’est pas très précis ! Et, au-delà, tout devient encore plus flou – y compris les notions mêmes de « banque », de « client » et de « compte », couramment employées de manière très extensible. Il faut cependant avoir conscience de ce que cela signifie : beaucoup d’indicateurs sur lesquels on se fonde pour juger de l’évolution du secteur bancaire sont à prendre avec de grandes précautions !

Combien de Français, ainsi, sont-ils clients de plus d’une banque ? Dans les 23% selon certaines études. Dans les 44%, selon d’autres. Et sans doute bien plus, en fait, si l’on considère que 80 millions de personnes physiques représentent de 115 à 120 millions de clients.

Et les conquêtes clients ? Selon une étude récente de l’ACPR, les banques en ligne (la définition retenue est assez large) comptaient 4,4 millions de clients fin 2017, soit 6,5% des Français. Une étude a néanmoins pu pointer – de manière très surprenante – que seulement 11% des clients de banques en ligne seraient client d’une seule d’entre elles.

Et le churn, le taux de départ des clients ? Il a pu être chiffré par le cabinet Bain à 4,3% en 2016, en hausse sensible depuis trois ans. Toutefois, qu’indique exactement ce chiffre ? Une insatisfaction des clients ? Une incapacité des banques à les accompagner ? Les déménagements, seuls, provoquent en moyenne 30% des fermetures de compte chaque année avec, chez certains groupes, la réouverture d’un compte dans une autre entité régionale, donc sous la même enseigne et sans réelle attrition.

Comment une activité aussi réglementée que la banque peut-elle se contenter de tels à-peu-près !? C’est là une assez curieuse attitude, que l’on retrouve d’ailleurs aussi bien chez les clients. Au fil des études, on découvre en effet que 49% ne savent que vaguement combien leur coûte leur banque principale chaque année et que la moitié de ceux qui disposent d’un chargé de clientèle attitré ont oublié… son nom.

Dès lors que, les néo-banques et autres nouveaux acteurs sur le marché bancaire ne mettent guère en place de métriques beaucoup plus fines, ni ne communiquent sur des indicateurs d’activité originaux, l’impression ressort que tout le monde, en fait, se satisfait d’une situation floue mais qui parait confortable. En France, la relation moyenne d’un particulier avec une banque dure vingt ans. 57% des moins de 25 ans ouvrent leur premier compte courant dans la banque de leurs parents et 42% des clients n’ont jamais changé de banque. La récente loi Macron sur la mobilité bancaire n’a apparemment pas suscité de demandes chez plus de 7% des clients. De tels chiffres ne poussent pas à l’inquiétude. Ne sont-ils pas biaisés cependant ?

Il faudrait en fait raisonner en nombre de « clients actifs ». La notion est susceptible de varier assez sensiblement d’un établissement à l’autre mais compter 60% de clients « actifs » peut représenter un objectif ambitieux pour une grande banque de détail en France. Quant à la rentabilité individuelle, souvent très mal cernée, les études montrent qu’elle peut être négative pour 70% des comptes et même bien plus pour certaines banques nouvelles et spécialisées.

Aujourd’hui, avec le Big Data, tout le monde répète que leurs données représentent la vraie ressource des banques. Lesquelles doivent devenir data driven. On le voit, il y a beaucoup à faire !

Guillaume ALMERAS