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"Un lieu de rencontres": ces communes rurales délaissées qui retrouvent une épicerie

Des épiceries proposant des produits divers ouvrent dans plusieurs villages grâce au programme de reconquête du commerce rural (image d'illustration)

Des épiceries proposant des produits divers ouvrent dans plusieurs villages grâce au programme de reconquête du commerce rural (image d'illustration) - Fred Tanneau - AFP

Le gouvernement a dévoilé ce lundi la liste de 43 communes supplémentaires qui bénéficieront du programme de reconquête du commerce rural. Au total, 224 projets ont été sélectionnés, dont certains déjà concrétisés.

Les chiffres sont éloquents. Selon le ministère de l'Economie, 21.000 communes françaises ne disposent aujourd'hui d'aucun commerce, soit 62% du total contre 25% en 1981. Une absence d'offre de proximité qui contraint les habitants de ces villages à effectuer en moyenne un trajet de dix minutes en voiture pour se rendre dans le magasin le plus proche. C'est cinq fois plus que dans les communes les plus denses.

Pour enrayer cette désertification commerciale, le gouvernement a annoncé en mars dernier le lancement du programme de reconquête du commerce rural. Doté d'une enveloppe annuelle de 12 millions d'euros sur trois ans, ce dispositif vise à soutenir les projets d'implantation de commerces dans les villages qui en sont privés.

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Ce lundi, la ministre déléguée en charge des PME et du Commerce, Olivia Grégoire, a dévoilé les 43 nouveaux lauréats sélectionnés dans le cadre de ce programme. À ce stade, ce sont donc 224 projets qui ont été choisis pour bénéficier de subventions pour un total de 6,5 millions d'euros qui profiteront à 151.000 Français dans 72 départements.

Mazangé a été la première commune à être sélectionnée. Ce village du Loir-et-Cher de 850 habitants a récemment inauguré en présence d'Olivia Grégoire une épicerie solidaire et participative installée dans un ancien bâtiment de La Poste et en partie financée grâce au programme de reconquête du commerce rural à hauteur de 12.000 euros. Ici, les deux épiceries, puis la boucherie, ont baissé le rideau ces dernières années.

Une épicerie associative dans l'Hérault

La commune du Bosc (Hérault) composée de onze hameaux a connu le même sort. Même le boulanger ambulant qui venait y distribuer le pain a cessé son activité, victime de la pandémie de Covid. Et si des commerçants ont bien tenté d'ouvrir une épicerie depuis, celle-ci n'a pas tenu. C'est pour cette raison qu'"avec un collectif d'habitants du village, on a décidé de monter une épicerie associative", témoigne auprès de BFM Business son gérant Mario Proust.

Lancé il y a un an, le projet a été retenu dans le programme de reconquête du commerce rural. À terme, la mairie percevra 5000 euros et les gérants 6100 euros e subventions. Si ces aides n'ont pas encore été intégralement versées, l'épicerie, elle, a ouvert ses portes en août dernier.

"On a été très soutenu par la mairie qui nous met un local à disposition. C'est quelque chose qui aurait pu difficilement se faire sans son soutien", reconnaît Mario Proust.

Quatre jours par semaine, une trentaine de bénévoles se relayent pour faire tourner la boutique de 9 heures à midi et de 13 heures à 19 heures. Sur les étals: des produits d'épicerie classiques, des boissons et des fruits et légumes des producteurs du coin vendus à des prix très attractifs "vu qu'on n'a pas besoin de faire une marge importante", souligne Mario Proust. Mais tenir ce commerce demande un certain investissement et une organisation rodée: "C'est un vrai boulot, il faut trouver de nouveaux produits, s'adapter à la saison... Il faut trouver les fournisseurs. Il y en a qui nous livrent, mais il y a certaines marchandises qu'on doit aller chercher. On a aussi une personne qui s'occupe de la comptabilité...", poursuit le gérant.

Quatre mois après l'ouverture, le résultat "est très positif, assure encore Mario Proust. Les habitants sont très contents d'avoir un commerce de proximité où ils font de vraies courses, pas uniquement du dépannage". L'épicerie qui dispose également d'un "coin bar" est aussi un lieu de vie qui permet d'entretenir le lien social, notamment pour les personnes âgées. "C'est un aspect très apprécié", se félicite Mario Proust.

"Pas uniquement un commerce"

À plusieurs centaines de kilomètres de là, le village de Jort (Calvados) et ses 300 habitants a vu son projet d'épicerie multiservices être sélectionné pour bénéficier des subventions de l'Etat. "Il nous restait une boulangerie qui a fermé il y a environ un an et demi. On s'est retrouvé sans commerce, sans service pour la population", témoigne le maire Jean-François Guillemot.

Déterminée à conserver une offre de proximité sur son territoire, la commune a décidé de racheter les murs de la boulangerie pour la transformer en épicerie multiservices dont la gestion a été confiée à un boulanger d'une commune voisine. Ouverte il y a un mois, la boutique propose désormais des produits d'épicerie mais aussi de boulangerie et de pâtisserie. Elle dispose également d'un point Poste et d'un point Relais colis.

À ce jour, la municipalité a perçu 11.000 euros sur les 22.000 qui lui ont été promis pour relancer ce commerce. Une somme qui lui a permis de financer les travaux nécessaires à l'ouverture à son ouverture. De son côté, le commerçant qui a repris l'affaire doit percevoir une subvention de 10.000 euros.

"Ça tourne correctement" même s"il faut que certaines personnes qui avaient pris l'habitude d'aller faire leurs courses plus loin reviennent", explique Jean-François Guillemot. Au-delà de l'aspect commercial, l'élu se félicite d'avoir à nouveau un lieu de vie dans sa commune: "C'est un lieu de rencontre, ce n'est pas uniquement un commerce. C'est également très écologique puisque cela évite aux habitants d'avoir à faire 5 à 10 km en voiture pour aller acheter du pain".

D'autres communes devraient bénéficier du programme de reconquête du commerce rural dans les prochains mois. Les aides à l'investissement peuvent atteindre au total 80.000 euros pour des projets sédentaires et 25.000 euros pour des commerces itinérants permettant de desservir plusieurs villages.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco