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TGV: Alstom tente de séduire le Canada

Le pays envisage une nouvelle liaison ferroviaire entre Québec et Toronto. L'industriel français, dont le premier actionnaire est québécois, multiplie les appels du pied.

Vendre plus de TGV à l'international est une priorité pour Alstom. Or, les projets de lignes à grandes vitesse se multiplient sur la planète, transition écologique oblige. Une bonne nouvelle pour l'industriel français (mais aussi pour ses concurrents).

Au Canada, le gouvernement fédéral a publié en mars 2022 une "demande d’expression d’intérêts" pour un projet de ligne dédiée seulement aux passagers entre Toronto, Montréal et Québec.

Objectif: déployer un train à grande fréquence (TGF) entre ces villes, pour ne plus utiliser la ligne existante où les trains de marchandises ont la priorité, entraînant de multiples retards.

Montant de l'investissement: entre 6 et 12 milliards de dollars canadiens (4 à 8 milliards d'euros).

Et pourquoi pas un TGV? "Le TGV coûterait beaucoup plus cher et prendrait beaucoup plus longtemps à construire", justifiait alors le ministre des Transports, Omar Alghabra.

Mais les choses ont un peu changé. Certains élus québecois ont plaidé pour que cette liaison soit totalement ou partiellement à grande vitesse. Une demande relayée et appuyée par Alstom qui a multiplié les appels de pied pour que cette ligne soit une LGV (à grande vitesse) et utilise, tant qu'à faire, ses rames TGV.

"Tant qu’à mettre des sommes comme celles-là, autant que ce soit dans un investissement le plus rentable possible et qui amène l’impact à la fois économique et sociétal le plus élevé" explique au Journal de Montréal, Michael Keroullé, président d’Alstom pour les Amériques.

La vitesse accélère le report modal selon Alstom

Pour l'industriel, qui dit TGV, dit plus de passagers transportés, plus de report modal malgré un coût d'acquisition bien évidemment plus élevé. "On le voit dans tous les pays qui ont fait ce choix: avec la vitesse, on déplace le mode de transport beaucoup plus que ce qui était initialement envisagé" poursuit le dirigeant.

Ces arguments semblent avoir été entendus. Selon nos confrères, le projet initial du gouvernement a été modifié.

Au départ, Transports Canada (le ministère fédéral des transports) évoquait une vitesse maximale de 200km/h pour cette ligne avec des trains à grande fréquence, désormais les entreprises intéressées par ce projet peuvent proposer "des vitesses plus élevées sur certains segments". La porte ouverte aux TGV.

Avec un train circulant jusqu'à 300km/h, Toronto serait à moins de 3 heures de la belle province contre 5 actuellement. "Là, le bénéfice du train devient évident", poursuit Michael Keroullé.

Autre argument de poids pour Alstom, depuis le rachat de son concurrent canadien Bombardier, la Caisse des dépôts et de placement du Québec est devenu son premier actionnaire avec 17,5%.

Selon nos informations, l'appel d'offres définitif pour cette ligne partiellement ou intégralement à grande vitesse sera publié cette année.

Pour Alstom, les perspectives actuelles pour exporter son TGV (qui aujourd'hui s'apparente plus à une plateforme adaptable à différents clients comme le dernier TGV-M pour la SNCF) deviennent nombreuses et donc stratégiques.

L'industriel table ainsi sur une croissance annuelle de 12% du marché de la grande vitesse. Dans le monde, la grande vitesse représente environ 10% du marché annuel du train, soit environ 4 milliards d’euros par an.

Outre un contrat en Corée du Sud (sous le nom KTX) et au Maroc, Alstom a signé un contrat important de 2 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2016 avec la compagnie Amtrak (pour la création d'une ligne à grande vitesse entre Washington et Boston en passant par Philadelphie et New York).

D'autres projets de lignes à grande vitesse

En Europe, c'est en République tchèque que les choses bougent. Interrogé par Radio Prague International, Jiří Svoboda, directeur général de l'administration des chemins de fer tchèques, précise le calendrier voulu par le gouvernement: "Nous prévoyons que la construction des premiers tronçons commence en 2025. Les premiers trains transporteront des passagers sur les nouvelles lignes vers 2030".

Cinq tronçons de lignes à grande vitesse sont prévus; Praha (Prague) Běchovice-Poříčany, Přerov-Ostrava-Svinov et Brno, Modřice-Vranovice, ainsi que deux tronçons entre Prague et Dresde en Allemagne. Vitesse commerciale prévue: 320km/h.

Mais que ce soit en République tchèque au Canada ou ailleurs, Alstom doit composer avec une concurrence de plus en plus agressive. On peut évoquer l'allemand Siemens, l'espagnol CAF, le coréen Hyundai, sans oublier le géant chinois CRRC qui règne en maître dans l'empire du Milieu et qui entends bien s'arroger une part du gâteau européen.

Tous ces industriels se battent dans les appels d'offre et sont prêts à d'importantes concessions pour emporter les lots. En Chine par exemple, Siemens a remporté un gros contrat en acceptant d'importants transferts de technologies qu'Alstom a refusés.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business