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SNCF: bientôt des trains moins rapides à cause d'un sous-investissement dans le réseau?

Le contrat de performance signé entre SNCF Réseau et l'Etat prévoit 2,8 milliards d'euros pour l'entretien de l'infrastructure. Une somme trop basse qui risque d'avoir des conséquences sur la vitesse des trains voire le maintien de lignes régionales selon un conducteur...

Vers des trains régionaux de moins en moins rapides en France? C'est la crainte exprimée par un conducteur de TER de la SNCF à travers son très suivi compte Twitter BB27000.

Pourquoi cette sombre perspective? Il faut d'abord revenir à la signature en catimini en avril dernier du contrat de performance entre l'Etat et SNCF Réseau, l'entité de l'entreprise publique qui a en charge le déploiement et l'entretien des voies et des aiguillages.

Ce contrat qui court sur 10 ans prévoit ainsi 2,8 milliards d'euros pour l'infrastructure (la régénération du réseau). Une somme insuffisante dénoncée par les syndicats, les associations d'usagers et même le régulateur des transports et les sénateurs.

Aveu d'échec

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat dénonçait en février dernier "le manque d’ambition du projet" et "un aveu d’échec pour le transport ferroviaire que nous ne pouvons pas accepter".

Et de conclure, "Inquiète du décalage entre les discours ambitieux de développement du transport ferroviaire et le contenu du projet de contrat, la commission estime que ce dernier doit être revu". Ce qui n'a pas été fait, le contrat a donc été signé en l'état.

Problème: le contexte a changé. Avec une inflation galopante qui pèse sur les achats de la SNCF (acier, bois, énergie), les travaux d'infrastructure coûteront plus chers. Il faudra donc faire moins avec la même enveloppe alors que le réseau vieillissant exige de lourds investisements afin de maintenir la qualité de service. Il manquerait au bas mot 1 milliard d'euros selon les observateurs.

Et c'est bien le risque épinglé par BB27000: "SNCF Réseau a clairement dit que sans argent, les lignes supérieures à UIC4 seraient grandement en difficultés", explique-t-il.

UIC est un classement des lignes ferrés françaises. "Plus il y a de trafic sur une ligne, plus son classement est bas" rappelle le conducteur. Ainsi, la ligne Paris-Lyon est UIC 1 tandis que Agen-Périgueux est UIC 8-9.

De 120/140 km/h à 90-110

"Clairement, une ligne sans entretien se détériore avec le passage des trains. Il faut un entretien régulier. Sans argent, pas d’entretien. Et pour éviter des accidents, on va baisser la vitesse progressivement", explique BB27000.

"Moins de vitesse, moins d’entretien. Mais comme on entretient toujours pas, on continuera de baisser la vitesse de référence. Cycle sans fin", poursuit-il.

Le conducteur prend pour exemple la ligne Nevers-Chagny où la baisse de la vitesse commerciale est déjà une réalité selon lui.

"Au lieu de rouler entre 120 et 140km/h en pointe, un TER roulera à 110km/h, puis 90, puis 60… ainsi de suite. Jusqu’à… 0km/h, interdiction des circulations. C’est véridique, on affiche bien 0km/h. C’est déjà arrivé", dénonce-t-il.

De quoi déboucher in fine sur des fermetures de lignes régionales, estime-t-il. Et de publier une carte de ce que à quoi pourrait ressembler le réseau SNCF dans 10 ans avec la disparition de nombreuses lignes supérieures à UIC5. "Voici ce que le lent poison du sous-investissement fera. Fermeture, petit à petit, des lignes, de UIC 9 jusqu’à UIC 5", écrit-il.

Des lignes en danger

Légende: à gauche, le réseau SNCF actuel, à droite, le réseau tel qu'il risque de devenir dans 10 ans.

Un horizon partagé par Philippe Tabarot, sénateur des Alpes-Maritimes, qui estime que ce contrat "acte le vieillissement du réseau pour les lignes structurantes régionales".

Interrogé par BFM Business, SNCF Réseau n'a pas retourné nos demandes de commentaires.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business