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Problèmes de livraisons, de moteurs, de pièces... Y aura-t-il assez d'avions pour voyager cet été?

Alors que la demande en voyages aériens devrait être très forte pour les vacances, les compagnies sont confrontées à des problèmes de disponibilités d'avions. Mais les moyens (coûteux) pour contourner ces problèmes existent.

"C'est un sujet de préoccupation", reconnaît Pascal de Izaguirre, PDG de la compagnie aérienne française Corsair et président de la Fnam, la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers.

Alors que la demande en voyages aériens devrait être très forte pour les vacances, et que le nombre de voyageurs dans le monde devrait atteindre des niveaux historiques, avec 4,7 milliards de personnes attendues en 2024, contre 4,5 milliards en 2019, le secteur est actuellement confronté à un manque d'avions neufs.

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13:40

Chez Boeing, la production est fortement perturbée à cause des problèmes de qualité du 737 Max, son avion moyen courrier vedette. Le constructeur américain doit gérer de nombreuses enquêtes du régulateur américain, résultat ses livraisons de Max, qui constituent l'essentiel de ses commandes, sont en chute libre, notamment en mars dernier.

Chez Airbus, si la production se redresse, les compagnies doivent gérer des problèmes de moteur Pratt & Whitney de certains A320neo. Jusqu'à 650 appareils pourraient être immobilisés au sol au premier semestre 2024 pour des inspections expliquait RTX Corp. maison mère de Pratt & Whitney l'année dernière.

19% d'avions neufs en moins que prévu

Selon Martha Neubauer, associée principale chez AeroDynamic Advisory, citée par Reuters, les transporteurs recevront 19% d'avions en moins que prévu il y a un an, un chiffre qui monte à 32% pour les compagnies américaines.

Cette double problématique va-t-elle entraîner moins d'avions disponibles et donc moins de sièges à vendre pour la période de pic qui s'annonce?

"Il y a de vraies difficultés dans la supply chain, qu'il s'agisse d'avions neufs, de moteurs, de pièces détachées, on sent une tension assez forte avec en parallèle un trafic bien supérieur aux prévisions, des compagnies pourront être affectées", poursuit Pascal de Izaguirre.

"La supply chain n'arrive pas à suivre", confirme François Sfarti, consultant principal pour le cabinet Emerton. "Avionneurs, fournisseurs, personne n'est pas épargné".

Mais pas de manière globale ou généralisée. Les opérateurs dont les flottes sont principalement constituées d'avions Boeing pourraient connaître le plus de difficultés.

Aux Etats-Unis, United Airlines, et Southwest Airlines font partie des compagnies qui doivent réorganiser leur offre, voire baisser le nombre de vols proposés et de recrutements de personnels.

Moins de fréquence chez Ryanair

En Europe, 17 appareils Boeing manquent à l'appel cet été (40 au lieu de 57) chez Ryanair, des "ajustements" devront donc être opérés en juillet et en août sur une dizaine de lignes, prévient la compagnie low cost. Ce qui veut dire moins de fréquence sur certaines destinations.

Ce manque de capacité aura des conséquences sur toute l'année, estime la compagnie qui pourrait revoir ses objectifs à la baisse, passant de 205 à 200 millions de passagers pour 2024.

"Les compagnies américaines seront plus touchées et doivent faire des ajustements de capacités, surtout celles qui sont 100% Boeing, l'Europe sera plus épargnée, mais cela dépend beaucoup de la composition des flottes", explique Pascal de Izaguirre.

Néanmoins, la plupart des grandes compagnies savent s'adapter à ce type de fluctuations. "On sait faire preuve de flexibilité, c'est un sujet qu'on sait manager", poursuit le PDG.

"Les compagnies sont habituées à compenser ce genre de problèmes, si ces problèmes auront des effets, il n'y aura pas de pénurie de vols, il y aura peut-être des problèmes pour des compagnies qui voulaient ouvrir de nouvelles liaisons", ajoute François Sfarti.

Comment? Les compagnies disposent de deux leviers. Elles peuvent d'abord faire voler les avions qui auraient dû être remplacés par les appareils neufs qui n'ont pas été reçus.

Les tarifs de location d'avions atteignent des records

Elles peuvent ensuite avoir recours à la location, un marché qui mécaniquement explose. Selon John Heimlich, économiste en chef chez Airlines for America (A4A), qui représente les principaux transporteurs américains, les compagnies aériennes dépensent 30% de plus en location d'avions qu'avant la pandémie.

Problème, ces mesures de contournement sont très coûteuses et mettent à mal des modèles économiques assez fragiles.

Selon les chiffres de Cirium Ascend Consultancy, louer un Airbus A320-200neo ou un Boeing 737-8 MAX coûte 400.000 dollars par mois, soit le tarif le plus élevé depuis mi-2008.

Continuer à faire voler de "vieux" avions est également extrêmement cher et les coûts de maintenance et de réparation auraient déjà bondi de 40% chez United et Delta à cause des problèmes de disponibilités en avions neufs.

"Il y aura clairement un impact sur les finances et la rentabilité des opérateurs", souligne François Sfarti. "Ce sont des dépenses supplémentaires, il y a des pertes qui ne pourront pas être compensées et cela va entraîner la fragilisation de certains acteurs, cela nous préoccupe", insiste Pascal de Izaguirre.

La tentation d'augmenter les prix des billets (qui ont déjà flambé en 2022 et 2023) est forte pour les opérateurs les plus touchés. Ryanair a ainsi avertit de hausses de tarifs de jusqu'à 10% à attendre cet été, dans un environnement de coûts en progression, après +23% en 2023...

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business