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Le numéro deux de Renault évoque un doute sur l'espionnage

Patrick Pélata, directeur général de Renault, laisse entendre pour la première fois dans un entretien au Figaro de vendredi que l'affaire d'espionnage présumé au sein du groupe français pourrait en fait être une manipulation. /Photo d'archives/REUTERS/Ben

Patrick Pélata, directeur général de Renault, laisse entendre pour la première fois dans un entretien au Figaro de vendredi que l'affaire d'espionnage présumé au sein du groupe français pourrait en fait être une manipulation. /Photo d'archives/REUTERS/Ben - -

Pour la première fois, Renault laisse entendre que l'affaire d'espionnage présumé au sein du groupe pourrait être en fait une manipulation, dans un entretien accordé par son numéro deux au quotidien Le Figaro.

Patrick Pélata, directeur général délégué, ajoute que si l'enquête ne concluait pas à des faits d'espionnage, les cadres mis à pied seraient réintégrés et sa responsabilité pourrait être engagée.

Renault a porté plainte en janvier contre trois cadres travaillant sur le projet de voiture électrique, sur le fondement d'une enquête privée menée après des lettres anonymes les mettant en cause. La société les accuse d'avoir reçu de l'argent de sociétés en lien avec la Chine.

Les cadres, Bertrand Rochette, Matthieu Tenenbaum et Michel Balthazard, visés par une procédure de licenciement, se disent innocents et ont porté plainte pour dénonciation calomnieuse ou diffamation.

L'enquête menée par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), sous la conduite du parquet de Paris, vise à vérifier les éléments produits par Renault et provenant d'une enquête privée menée par un seul homme.

"Un certain nombre d'éléments nous amènent à douter", déclare Patrick Pélata, dans l'entretien publié jeudi sur le site internet du Figaro.

Si Renault est en fait victime d'une manipulation, "si tous les doutes sont levés, nous proposerons la réintégration des trois cadres et, dans tous les cas, Renault sera très attentif à réparer toute injustice", poursuit-il.

"Quand l'enquête sera terminée, nous en tirerons toutes les conséquences jusqu'au niveau le plus haut de l'entreprise, c'est-à-dire jusqu'à moi. Carlos Ghosn, président de Renault et Nissan, décidera et s'exprimera lorsque l'enquête sera définitivement close et que le procureur en aura donné toutes les conclusions", déclare encore Patrick Pélata.

SUISSE ET LIECHTENSTEIN SOLLICITÉS

L'avocat de Renault, Jean Reinhart, avait auparavant déclaré que l'entreprise n'avait aucune raison à ce stade de modifier sa plainte pour espionnage, malgré les doutes qui s'accumulent.

Un haut magistrat a cependant confirmé que la thèse d'une manipulation était envisagée, tout en ajoutant qu'il n'était pas possible de conclure à ce stade de l'enquête.

Le parquet a sollicité l'aide de la Suisse et du Liechtenstein, où, selon Renault, deux des trois cadres détiendraient des comptes numérotés où aurait été versé l'argent de la supposée corruption.

"Seuls les résultats des demandes d'entraide à l'étranger (en Suisse et au Liechtenstein - NDLR) nous permettront d'éclaircir cette affaire et de pencher pour une hypothèse", a dit ce magistrat à Reuters.

La Suisse a fait savoir oralement aux enquêteurs que les cadres n'avaient pas de comptes bancaires à leurs noms, mais les recherches ne sont pas encore finalisées, Renault ayant fourni des numéros de comptes, a-t-on appris de source judiciaire.

Le Liechtenstein, traditionnellement peu coopératif en matière d'entraide judiciaire, a donné des "assurances" que l'enquête serait réalisée. Le parquet espère des résultats "très prochainement", a-t-on expliqué.

Philippe Clogenson, ancien directeur marketing du groupe Renault licencié il y a deux ans, a par ailleurs témoigné jeudi dans la presse pour assurer avoir été victime d'une manipulation qu'il voit comme similaire.

"Une personne m'a annoncé qu'elle détenait la preuve que je recevais de l'argent de la part des prestataires, via des sociétés écrans sur des comptes à l'étranger, et que ça avait été vérifié par la sécurité du groupe", a raconté l'ancien cadre sur Europe 1, confirmant un témoignage révélé par Le Parisien.

"J'ai été abasourdi par rapport à ces accusations", a-t-il ajouté, parlant de machination.

REUTERS