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"Du simple au triple": les trains de nuit polluent moins que les TGV

Selon une étude du cabinet spécialisé Objectif Carbone, malgré une fréquence moindre et moins de passagers transportés, les spécificités du train de nuit font que son bilan carbone est le plus faible. Reste la question de la rentabilité.

Si le train est présenté comme le moyen de transport collectif ayant la plus faible empreinte carbone, il y a des disparités entre les offres proposées par la SNCF. On trouve encore ainsi pas mal de trains qui fonctionnent au diesel sur les lignes régionales (ils sont progressivement remplacés par des rames à batteries, hybrides voire à hydrogène).

Mais même dans la grande famille des trains alimentés à l'électricité, certains pollueraient plus que d'autres. C'est la conclusion d'une étude menée par le cabinet spécialisé Objectif Carbone mettant en avant le bilan carbone des trains de nuit face aux TGV. Traduction, les premiers pollueraient moins que les seconds au-delà d'une certaine distance (750 à 1.500 kilomètres). "L’impact carbone d’un trajet en train varie du simple au triple", peut-on lire.

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"En train de nuit, l’impact carbone pour un voyageur parcourant un kilomètre (voy.km) est d’environ 5gCO2 contre 10gCO2 en TGV. Cette différence provient surtout du fait que l’électricité utilisée de nuit a un contenu carbone émis très faible."

En effet, en roulant la nuit, ces trains bénéficient "d’une électricité bas carbone en heure creuse la nuit".

Moins rapides, les trains de nuit consomment moins

De plus, la vitesse des trains de nuit (100 km/h en moyenne contre 300 km/h environ pour les TGV) "réduit fortement la consommation énergétique et l’usure des voies". "La résistance à l’avancement est cinq fois supérieure à 300 km/h qu’à 100 km/h", expliquent les auteurs.

Reste qu'un TGV transporte dans une journée bien plus de passagers qu'un train de nuit. "Un TGV peut faire 2,5 fois plus de parcours dans la journée qu’un train de nuit", confirme l'étude mais selon les auteurs, "cela ne permet pas de compenser les effets précédents".

Pour le cabinet Objectif Carbone, la France et l'Europe sont donc à l'heure des choix. "L’UE subventionne déjà fortement la construction de LGV (lignes à grande vitesse). Un lobbying intense vise à obtenir le financement public de 550 milliards d’euros par l’UE pour un nouveau réseau TGV. Au même moment, le parlement européen a poussé la Commission à lancer un plan pour les trains de nuit... mais qui est resté sans financement", note l'étude.

"L’UE refuse pour l’instant de financer les trains de nuit, ni pour le matériel roulant ni pour l’exploitation."

"L’UE semble donc pour l’instant promouvoir davantage la grande vitesse au détriment du train de nuit. Au niveau national, l’État prévoit de cofinancer 14 milliards d'euros pour la LGV Bordeaux-Toulouse et 30 milliards pour Lyon-Turin, et tergiverse pour investir une somme bien moindre, de l’ordre de deux milliards, pour relancer 20 à 30 lignes de trains de nuit qui permettraient de créer un réseau maillé pour relier les régions les unes aux autres et les connecter avec les pays voisins", souligne le cabinet. Et d'appeler à investir dans les trains de nuit "sans attendre".

La question de la rentabilité

Reste la question de la rentabilité pour la SNCF. Si le taux d'occupation de ces trains augmente (70% pour 2022 et 2023), il est très disparate, Paris-Nice et Paris-Toulouse raflant largement la mise.

En réalité, la SNCF n'y croit pas vraiment (malgré un enthousiasme affiché) et se plie aux injonctions de l'État, donneur d'ordre et investisseur en la matière puisqu'il s'agit de trains Intercités (trains d'équilibre du territoire). Ces trains sont subventionnés par l'argent public à la différence des TGV qui, eux, ne le sont pas.

Ainsi, quand un siège de TGV peut être vendu 4,5 fois par jour, une couchette peut l'être seulement une fois par jour. Conclusion mathématique, un train de nuit est 4,5 fois moins rentable qu'un TGV.

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Le train de nuit, ce sont également beaucoup de coûts fixes au niveau du matériel roulant avec des trains immobilisés le jour, cela rend donc les lignes déficitaires. Officiellement, la SNCF se dit enthousiaste pour les trains de nuit. Mais on estime en interne que c'est un "modèle économique impossible".

Atteindre la rentabilité pour ces trains de nuit dépend en définitive de la stratégie et du financement de l'Etat car la SNCF n'investit pas dans cette offre. La solution passera donc par plus d'offres ce qui veut dire nouveaux trains en plus des rames Corail des années 1980 rénovées. Or le marché des voitures neuves est quasiment asséché aujourd'hui et, à date, l'État n'a passé aucune commande.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business