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Comment Vinci a dépoussiéré l'un des plus gros aéroports japonais

Vinci et son partenaire japonais viennent d'inaugurer le nouveau terminal de l'aéroport international du Kansai à Osaka. Une porte d'entrée en vue de l'exposition universelle de 2025.

Au Japon, royaume du service, la France impose sa patte. Le groupe Vinci a en effet transformé l'aéroport international du Kansai, le deuxième plus important hub nippon, un succès célébré lors de la cérémonie d'inaguration du tout nouveau terminal 1, à laquelle BFM était présente. Discours, mascotte, costume traditionnels et ruban coupé: une ambiance festive pour fêter cette collaboration franco-japonaise.

Inauguration du nouveau terminal 1 de l'aéroport international du Kansai, dans la baie d'Osaka.
Inauguration du nouveau terminal 1 de l'aéroport international du Kansai, dans la baie d'Osaka. © Vinci

Le pari de Vinci était donc loin d'être gagné d'avance. Sorti des eaux à la fin des années 90, l'aéroport du Kansai "KIX" est construit sur une île artificielle. Et si, en presque 30 ans, le nombre de bagages perdus se comptent sur les doigts d'une main, son principal terminal a passablement vieilli. Voyageurs et compagnies aériennes ne s'y bousculaient plus. Une configuration obsolète, inadaptée pour absorber des flux massifs de passagers. Or, en 2025, Osaka accueillera l'exposition universelle.

Du luxe au management, la touche française

L'histoire commence en 2016, quand Vinci Airports reprend l'exploitation des deux aéroports de la région d'Osaka: l'aéroport d'Itami pour les vols domestiques et donc l'aéroport international du Kansai. Quelques 650 millions d’euros sont mis sur la table pour une concession de 44 ans. Vinci prend 40%, son partenaire japonais ORIX 40% et les 20% restants sont partagés entre des entreprises de la région.

Après plusieurs années et différentes phases de travaux, le groupe français vient tout juste de livrer un terminal flambant neuf. Une modernisation qui doit permettre d'augmenter la capacité d'accueil de 23 à 40 millions de passagers par an. Flux de circulation, gestion de la sécurité, bornes automatiques pour le contrôle des passeports, boutiques de luxe, signalétique, ambiance lumineuse, bois, moquette, marbre… Tout a été revu.

Contrôle automatique des passeports à l'aéroport international du Kansai
Contrôle automatique des passeports à l'aéroport international du Kansai © Jbhuet

Désormais, avant de gagner la porte d’embarquement, passage obligatoire pour tous les voyageurs dans une vaste galerie commerciale de 10.000 m² où la France (du luxe) est omniprésente: Dior, Hermès, Chanel, Louis Vuitton… Une offre haut de gamme qui cible principalement les voyageurs asiatiques. Ce sont les touristes chinois qui dépensent le plus, avec ticket moyen de 200 euros, explique-t-on chez Vinci Airports. 70 compagnies aériennes sont d'ores et déjà présentes et l'aéroport fonctionne 24 heures sur 24.

Convaincre Louis Vuitton d'intégrer l'aéroport international du Kansai n'a pas été une mince affaire
Convaincre Louis Vuitton d'intégrer l'aéroport international du Kansai n'a pas été une mince affaire © Jbhuet

Une transformation qui passe aussi par un changement drastique de management. Il a fallu modifier des habitudes de travail bien ancrées chez les Japonais, en particulier chez les salariés plus âgés. Même chose pour les managers, les Japonais ont souvent l’habitude de résoudre les problèmes en doublant voire triplant la main d'œuvre sur un même poste. Une pratique contre-productive, explique Nicolas Notebaert, le directeur général de Vinci Concessions et président de Vinci Airports, place désormais à davantage de rationalisation. Mais attention, pas de décisions brutales et frontales, dans le business japonais tout n'est que discussions et compromis.

Le Dior café de l'aéroport international du Kansai
Le Dior café de l'aéroport international du Kansai © Jbhuet

L'île artificielle, véritable défi logistique

Au-delà de la modernisation des services et de l'accueil, Vinci a dû relever un autre défi logistique puisque l’aéroport international du Kansai est construit sur une île artificielle. Chaque année, il s’enfonce de quelques centimètres. Des vérins sont ainsi installés sous l'aéroport et réglés tous les 3 ans pour corriger les mouvements du sol.

Une faiblesse structurelle que Vinci surveille comme le lait sur le feu. La région est régulièrement le théâtre d'évènements climatiques violents. Dernier en date, le typhon Jebi, en 2018, a laissé des traces: pistes submergées par les eaux, tri bagage inondé, armoires électriques disjonctées, aéroport paralysé.

Pour sécuriser les digues, 40.000 tétrapodes -des structures de béton de 20 tonnes- ont été disséminés autour de l’île pour casser les vagues. Le long des pistes, les murs d'enceinte ont été rehaussés et d’autres s’enfoncent dorénavant à 30 mètres de profondeur. Une facture supplémentaire de 240 millions d'euros dont Vinci et son partenaire japonais se seraient bien passé.

48000 tétrapodes ont été disséminés autour de l’ile pour casser les vagues,
48000 tétrapodes ont été disséminés autour de l’ile pour casser les vagues, © Jbhuet

Un tremplin pour les ambitions de Vinci en Asie

Vinci a également modernisé le fonctionnement énergétique du site. Tous les déchets de l'aéroport sont collectés et traités sur place, les eaux recyclées et dans les années qui viennent les panneaux solaires doivent se multiplier pour assurer l’autoconsommation. Les besoins énergétiques sont immenses. Le Japon a coutume de surchauffer les grands lieux publics et les aéroports ne font pas exception. L'aéroport dispose egalement d'une station service à hydrogène pour alimenter les véhicules de pistes. Il s'agit pour l'instant "d'hydrogène gris" produit à partir de gaz.

Station service à hydrogène dans l'aéroport international du Kansai
Station service à hydrogène dans l'aéroport international du Kansai © jbhuet

Les responsables japonais semblent satisfaits de la façon dont Vinci exploite et modernise les aéroports de la région. Une bonne entente qui permet aussi de faire oublier qu'il y a quatre ans, depuis ce même aéroport international du Kansai, un certain Carlos Ghosn avait réussi à fuir le Japon, caché dans un étui de contrebasse…

Pour le groupe français, réussir au Japon est un véritable sésame d'abord pour exploiter d'autres aéroports dans le pays mais aussi pour conquérir l'Asie du Sud-Est. Vietnam, Indonésie… Vinci est à l'affût de nouvelles opportunités dans ces pays.

Jean-Baptiste Huet Journaliste BFM Business