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574,8 km/h: il y a 17 ans, le TGV battait le record mondial de vitesse sur rail mais aller plus vite n'est plus un objectif

Le 3 avril 2007 à 13h13, une rame spécialement conçue explosait le précédent record du TGV. Mais aujourd'hui, la SNCF se garde bien de faire rouler ses trains plus vite en service commercial même si c'est possible.

C'était l'époque de la course à la vitesse. Il y a 17 ans quasiment jour pour jour, la SNCF battait pour la troisième fois le record mondial de vitesse sur rail avec un TGV lancé comme une balle sur la ligne entre Paris et Strasbourg, qui a la particularité d'avoir de très longues lignes droites.

Le 3 avril 2007 à 13h13 exactement, la rame atteignait les 574,8 km/h au passage de la commune d’Éclaires, dans la Marne. En 1990, une rame battait le précédent record à 380 km/h.

Evidemment, il ne s'agissait pas d'un TGV classique. Cette rame avait été modifiée pour atteindre cette vitesse folle: raccourcie, elle était constituée de deux motrices et de trois voitures de TGV Duplex pour une puissance portée à 19.600 kW, soit plus du double d’une rame TGV classique, tandis que le diamètre des roues était augmenté.

Battre le Shinkansen japonais

Les objectifs de cette opération étaient multiples. Outre une très belle publicité pour le TGV, il s'agissait de mettre en lumière les progrès techniques réalisés dans le domaine des trains à grande vitesse par le duo Alstom/SNCF et de consolider la place de leader de la France en la matière. Battre un record envoyait également un signal face aux trains à grande vitesse concurrents, notamment le Shinkansen japonais.

À ce jour, le TGV français détient encore ce record mondial de vitesse si on exclut les trains utilisant la technologie de sustentation électromagnétique (le SCMaglev au Japon dépasse ainsi les 600 km/h). Reste que depuis ce record de 2017, la SNCF n'a jamais cherché à aller plus loin. Le TGV français n'a en réalité plus rien à prouver commercialement même si ces succès à l'export par son fabricant Alstom sont relativement limités.

Surtout, ce record n'a pas vraiment d'application commerciale. Le TGV relie de nombreuses villes françaises et européennes à une vitesse moyenne de 320 km/h. Le fleuron de la SNCF pourrait aller plus vite. Mais la compagnie ferroviaire doit faire des choix pragmatiques. Faire rouler plus vite ses TGV, ne serait-ce que de quelques dizaines de km/h, c'est prendre le risque d'user des pièces critiques plus rapidement.

Aller plus vite, c'est user plus rapidement les trains

Or la maintenance coûte très cher et immobilise les rames, un vrai problème dans un contexte de pénurie de trains pendant les périodes de pics. La compagnie doit pouvoir faire rouler tous ses trains pendant ces journées. Son modèle économique exige également de les faire rouler le plus possible (rotations) et ainsi de vendre le plus de places possibles. Il faut donc limiter les risques.

Une première depuis 1995, la SNCF va sortir un nouveau TGV dans En route pour demain - 11/11
Une première depuis 1995, la SNCF va sortir un nouveau TGV dans En route pour demain - 11/11
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Par ailleurs, si les rames peuvent aller plus vite, les capacités du réseau sont limitées.

"En effet, le dimensionnement de l’infrastructure électrique limite la puissance captée à la caténaire par les trains. Ainsi, lorsque deux TGV classiques circulent (deux rames accouplées, ce qui est quasiment la règle en exploitation, NDLR), s’ils captaient à la caténaire chacun leur puissance maximale, ils dépasseraient les limites imposées par l’infrastructure", explique David Goeres, directeur des projets TGV M à la SNCF.

"En conséquence, tous les TGV existants doivent réduire d’environ 15% leur puissance de traction quand ils circulent."

Quid d'ailleurs du futur TGV M qui arrivera en 2025 et qui est capable sur le papier de rouler commercialement à 350/360 km/h? Et bien il ne circulera pas plus vite que les précédentes générations, à 320 km/h.

Une rame d'essai du futur TGV M en circulation sur une voie ferrée près de la gare de Lyon, à Paris, le 6 octobre 2023
Une rame d'essai du futur TGV M en circulation sur une voie ferrée près de la gare de Lyon, à Paris, le 6 octobre 2023 © Thomas SAMSON © 2019 AFP

Le TGV M n'ira pas plus vite que ses prédécesseurs

Les innovations technologiques du TGV M permettent de se passer de cette réduction de puissance en mode accouplé: "la puissance totale consommée reste inférieure aux limites de l’infrastructure. Les TGV M (accouplés) disposent donc de 15% de performances supplémentaires que les TGV existants", poursuit le responsable.

"Le gain est tel,qu’un TGV M accouplé dispose des performances requises pour être exploité à 360km/h."

Pour autant, il s'agit pour la SNCF de trouver "le meilleur ratio performances/coûts". "Une meilleure performance, c’est plus de résilience face aux aléas en exploitation (panne sur le matériel, retards…) et donc une meilleure régularité pour le client", souligne David Goeres.

Et finalement, outre un gain en temps de parcours assez marginal, le responsable met en avant un choix "assumé afin de ne pas augmenter inutilement le coût d’une rame". D'où ce choix de se limiter à 320 km/h.

Pour un vrai saut de vitesse, il faudra peut-être attendre l'arrivée de trains à sustentation électromagnétique sur voies classiques.

En septembre dernier, Nevomo, une entreprise polonaise partenaire de la SNCF a réussi un test grandeur nature sur une voie d’essai sous abri d’environ 720 mètres avec son prototype MagRail. Cette technologie permet de dépasser les 500 km/h. Un jour peut-être...

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business