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Pourquoi Sanofi se sépare de son pôle Santé Grand Public qui produit le Doliprane

L'activité Santé Grand Public couvre les compléments alimentaires et divers produits vendus sans ordonnance tels que Mucosolvan contre la toux ou le très populaire paracétamol Doliprane. Le laboratoire veut se recentrer sur l'innovation et des médicaments plus lucratifs.

Sanofi va se séparer de sa division Santé Grand Public en la cotant en Bourse en 2024 pour se concentrer sur de nouveaux relais de croissance qu'il veut financer grâce à un plan d'économies, des annonces très mal reçues par les marchés. Des noms bien connus du grand public comme Mucosolvan contre la toux, Allegra contre la rhinite,ou encore le très populaire paracétamol Doliprane vont sortir du giron du laboratoire français suite à ce grand mouvement stratégique.

Le géant pharmaceutique français a décidé de faire de la Santé Grand Public "une entité commerciale mondiale autonome au sein du groupe" à travers "la création d'une entité cotée en Bourse dont le siège sera en France", a-t-il annoncé vendredi à l'occasion de la présentation de ses résultats trimestriels. La séparation pourrait être réalisée "au plus tôt au quatrième trimestre 2024".

Des prix bas et pas de marge importante

S'ils représentent 12% du chiffre d'affaires de Sanofi, les produits grand public sont vendus à des prix bas qui ne permettent pas de réaliser des marges importantes. De plus, ils sont dans le viseur de l'exécutif qui songe régulièrement à diminuer leur prix, leur niveau de remboursement ou la franchise dans le cadre du PLFSS comme ce fut le cas cette année.

Plus de trois ans après l'annonce présidentielle d'une enveloppe étatique de 200 millions d'euros pour relocaliser la production de paracétamol en France, de nouveaux investissements à hauteur de 20 millions d'euros viennent d'être dévoilés à destination du site de Lisieux afin d'y produire davantage de Doliprane. Mais les investissements futurs du laboratoire ne seront plus orientés vers cette division Santé Grand Public qui jouira d'une certaine autonomie.

Les ventes de Santé Grand Public en hausse de 4,6% au troisième trimestre

L'objectif pour Sanofi est d'accélérer dans l'innovation après avoir arrêté la recherche sur le secteur très concurrentiel du diabète et du cardiovasculaire, et avant la perte du brevet, en 2031, de son blockbuster Dupixent, qui traite diverses maladies et dont il faut préparer la succession. Sanofi a augmenté de plus d'un milliard par an ses dépenses en R&D depuis 2019 et l'arrivée du Britannique Paul Hudson aux manettes, avait indiqué le groupe cet été.

Les segments de biopharmacie comprennent la médecine de spécialité, la médecine générale ainsi que l'activité vaccins tandis que l'activité Santé Grand Public couvre les compléments alimentaires et divers produits vendus sans ordonnance. On y trouve Mucosolvan contre la toux, Allegra dans la rhinite, la marque Novanuit pour le sommeil et le très populaire paracétamol Doliprane pour soulager la douleur. Au troisième trimestre, les ventes de cette division présente dans 150 pays avec plus de 11.000 employés, s'affichent en hausse de 4,6%, soutenues par les produits liés à la digestion et aux allergies, soit 1,245 milliard d'euros (à savoir un plus de 10% du chiffre d'affaires).

Le précédent du britannique GSK

En parallèle, Sanofi vise des économies jusqu'à 2 milliards d'euros entre 2024 et fin 2025 et assure que "la majeure partie sera ré-allouée au financement de l'innovation et des moteurs de croissance". Mais ces changements se traduisent aussi par l'abandon d'objectifs financiers à court terme, comme les bénéfices pour 2024 et de marge en 2025, mentionnent les analystes de Stifel.

"Nous renforçons nos investissements en R&D et franchissons des étapes pour devenir un 'pure player' biopharmaceutique, tout en optimisant encore davantage notre structure de coûts", a déclaré Paul Hudson, directeur général de Sanofi.

Pour Matthieu Sainton, responsable santé au sein du cabinet de conseil Eurogroup Consulting, le choix d'une scission paraît "logique" dans ce secteur "très concurrencé en termes de marge" qui fonctionne sur "une stratégie de volume". Sanofi applique, selon lui, "ce que d'autres ont déjà fait". Le britannique GSK a scindé il y a un an son activité de soins de grande consommation, qui a fait ses débuts en juillet 2022 à la Bourse de Londres sous le nom de Haleon.

Le chiffre d'affaires trimestriel du groupe a reculé de 4,1% à 11,964 milliards d'euros, un montant en-deçà des 12,089 milliards attendus selon le consensus interrogé par l'agence financière Bloomberg. Le succès du lancement de Beyfortus (nirsevimab), un nouveau traitement préventif contre la bronchiolite des bébés, disponible dans quatre pays dont la France, est venu compenser la baisse des vaccins contre la grippe.

Le groupe pharmaceutique prévoit par ailleurs un bénéfice ajusté par action (BNPA) des activités en 2024 "à peu près stable" par rapport aux niveaux de 2023, en raison de l'augmentation des dépenses de recherche et développement et d'un taux d'imposition plus élevé. En 2025, il s'attend toutefois "à un fort rebond" de la croissance du BNPA des activités.

TT avec AFP