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Où en est-on de la disponibilité du Beyfortus alors que l'épidémie de bronchiolite s'étend?

Un nouveau-né dans une couveuse peu après sa naissance dans une maternité parisienne le 29 juin 2022 (photo d'illustration)

Un nouveau-né dans une couveuse peu après sa naissance dans une maternité parisienne le 29 juin 2022 (photo d'illustration) - Christophe Archambault/AFP

Certains nouveau-nés, y compris en maternité, n'ont pas pu recevoir leur dose de Beyfortus, ce nouveau traitement préventif contre la bronchiolite qui gagne du terrain. La Normandie vient de basculer en phase épidémique.

"Dès le mois de septembre, j'ai fait le tour de toutes les pharmacies, aucune n'a pu me donner de dose ni même m'inscrire sur liste d'attente." Sarah, 36 ans, n'est pas tranquille et craint pour sa fille de 4 mois: impossible de trouver du Beyfortus, ce nouveau traitement préventif contre la bronchiolite réservé aux nourrissons.

Car la jeune femme qui réside dans les Yvelines reste marquée par un précédent: il y a trois ans, elle a dû se rendre en catastrophe aux urgences pour son fils aîné, à l'époque âgé de 10 mois. "Il respirait mal, j'ai eu très peur", témoigne-t-elle pour BFMTV.com.

Informée de l'arrivée de ce nouveau médicament, Sarah s'y était pourtant prise tôt et avait demandé dès le mois d'août une ordonnance à son médecin. Sans succès. "Ça me fait vraiment flipper parce qu'en plus, avec son frère en maternelle, je sais que ma fille est exposée."

"Je prie pour qu'elle n'attrape pas la bronchiolite."
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La priorité pour certains bébés

Le 15 septembre dernier était lancé le Beyfortus, un anticorps monoclonal qui protège les nourrissons du virus respiratoire syncytial (VRS), principal responsable de la bronchiolite. Mais ce médicament a été victime de son succès: seulement deux semaines après son lancement, le ministère de la Santé décidait d'en réserver l'accès aux maternités.

"Les traitements préventifs non-obligatoires ont généralement un taux d'adhésion qui varie entre 5 et 10%", expliquait le ministère. "Or, les taux d'adhésion à ce nouveau traitement préventif dépassent les 60% et atteignent même 80% dans certains établissements."

La demande a été telle que même en maternité, tous les nouveau-nés n'ont pas pu en bénéficier. Ce que confirme Caroline Combot, secrétaire générale de l'Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF). "Dans certaines maternités, ce sont les enfants les plus fragiles qui sont ciblés", assure-t-elle à BFMTV.com.

La priorité peut également être donnée aux bébés dont la fratrie risque de les contaminer ou encore aux familles les plus précaires où l'application des gestes barrière est plus compliquée.

"Ce n'est pas un fiasco"

Certaines maternités ont également connu des ruptures de stock. C'est le cas dans celle où travaille Caroline Combot, de l'ONSSF, dans le Territoire de Belfort. "Ça n'a duré qu'une semaine mais les enfants qui sont sortis de la maternité durant cette période n'ont pas pu recevoir de doses."

Et pour ceux-là, aucun rattrapage n'est prévu. Alors que l'année dernière, quelque 723.000 enfants sont nés en France, le gouvernement a-t-il fait une erreur en ne commandant que 200.000 doses? "Ce n'est pas un fiasco", estime pour BFMTV.com Christèle Gras-le Guen, cheffe de service de pédiatrie au CHU de Nantes et présidente de la Société française de pédiatrie.

"Le fiasco, ça aurait été si les 200.000 doses étaient restées au frigo."

Elle ajoute qu'un tel engouement était impossible à prévoir alors que la Haute Autorité de santé n'a rendu son avis sur le Beyfortus que le 1er août. Autre argument en faveur de la difficulté de prévision: la faible couverture vaccinale des 4-11 ans contre le Covid-19, soit seulement 15%, rappelle la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.

"Positif au-delà de nos espérances"

La situation actuelle représenterait plutôt "une excellente nouvelle", s'enthousiasme Christèle Gras-le Guen, chargée par le gouvernement d'accompagner le déploiement du Beyfortus. "Cela signifie qu'on a réussi à convaincre les parents, à faire passer le message sur la bronchiolite et qu'on aura administré les 200.000 doses."

"C'est positif au-delà de nos espérances."

À ce jour, quelque 70.784 doses de 50 mg (pour les enfants de moins de 5 kg) et 44.063 doses de 100 mg (pour ceux pesant plus de 5 kg - les bébés nés plus tôt durant l'année 2023 peuvent également en bénéficier) ont été expédiées en ville et à l'hôpital, indique la Direction générale de la Santé (DGS) à BFMTV.com.

La DGS précise que 38.200 doses de 50 mg et 10.000 doses supplémentaires de 100mg devraient être livrées dans le courant du mois de novembre. Des volumes "conformes aux prévisions initiales", précise-t-elle.

"Notre priorité, c'était d'immuniser les bébés nés dans la période septembre-décembre", abonde la pédiatre Christèle Gras-le Guen qui promet que les maternités seront approvisionnées à hauteur de 80% des naissances.

La bronchiolite, qui est passée en phase épidémique dans plusieurs régions, touche chaque hiver un nourrisson de moins de deux ans sur trois. Soit 480.000 cas par an. Quelque 2 à 3% de ces bébés sont hospitalisés pour une bronchiolite sévère.

L'année dernière, l'épidémie avait été particulièrement vigoureuse et la situation critique dans les hôpitaux: des bébés en réanimation avaient dû être transférés dans d'autres régions faute de place dans les services pédiatriques.

Le ministère se veut rassurant: le nombre de doses est "suffisant" pour couvrir les besoins des maternités jusqu'à décembre. Des échanges sont en cours avec les laboratoires pour une nouvelle commande.

Si, pour la saison 2024-2025, il est "encore trop tôt" pour que le ministère n'annonce les contours de la prochaine stratégie, "la France pourra se positionner fortement pour sécuriser un volume de doses basé sur un taux d'adhésion élevé, ce qui est une très bonne nouvelle".

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV