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Les indemnités de départ de Carlos Ghosn pourraient s'élever à 30 millions d'euros

L'ex-patron de Renault devrait toucher sa rémunération fixe de 1 million d'euros mais l'assemblée générale des actionnaires pourrait bloquer le versement d'indemnités diverses pour un montant estimé à plus de 25 millions d'euros. Carlos Ghosn peut aussi prétendre à ses droits à la retraite et à une indemnité de non-concurrence mais pas à un parachute doré.

Alors que Renault vient de remanier sa gouvernance, avec Jean-Dominique Senard comme président, le groupe français n'en a pas vraiment fini avec Carlos Ghosn. Son ex-PDG, qui occupait cette fonction depuis 2005, va maintenant pouvoir prétendre à un "package de sortie" comprenant sa rémunération prévue pour l'exercice 2018 et diverses indemnités. Le tout pour un montant total qui pourrait atteindre 30 millions d'euros.

Une rémunération fixe plutôt certaine

Son salaire annuel fixe avait été fixé à un million d'euros l'an dernier. Sous la pression du gouvernement, le patron de Renault avait consenti à une baisse de 19% par rapport à l'année précédente. Cette partie de sa rémunération est celle qui prête le moins à discussion, estime un article des Echos, précisant que la date retenue comme référence devrait être celle de sa démission, qui a été validée ce jeudi 24 janvier, et non de son arrestation, le 19 novembre dernier. Si les premiers jours de 2019 lui sont rémunérés, il faudrait ajouter environ 65.000 euros.

Concernant la rémunération variable pour 2018, le calcul sera plus complexe. Sur le plafond fixé à un million d'euros, Carlos Ghosn ne devrait pas pouvoir toucher les 75% prévus sous forme d'action gratuites. Ce versement était soumis à la présence du dirigeant au conseil d'administration en 2022, à l'issue de son mandat renouvelé en juin dernier. Il pourrait tout de même recevoir la partie versée en cash de cette part variable, soit 250.000 euros.

Environ 22 millions d'euros en actions

Mais la plus grosse partie de la somme que pourrait percevoir Carlos Ghosn se retrouve dans des dispositifs dits "d'actions de performance" (versées sous conditions de présence et de performance).

"Si Carlos Ghosn démissionne de ces fonctions à sa seule initiative afin de faire valoir ses droits à la retraite, il pourrait donc se voir attribuer définitivement la totalité des actions de performance simplement attribuées au titre de ses rémunérations long-terme, soit environ 22 millions d’euros (au cours de clôture du 22 Janvier 2019)", résume une synthèse réalisée par le cabinet Proxinvest qui conseille les actionnaires et notamment ceux de Renault. 

Le conseil d'administration devra trancher

Le versement d'une part variable différé est également au programme: en 2014, il avait reçu 1,36 million d'euros d'actions débloquables en février 2019. La présence au sein de l'entreprise était toutefois requise mais au regard du contexte assez particulier, le versement ou non de ces rémunérations devrait être tranché par le conseil d'administration. 

"Il va y avoir des tractations. Le fait qu’il soit loin et en mauvaise posture devrait conduire à ce que les syndicats qui hurlent déjà au scandale soient entendus par l’État et la nouvelle direction", explique Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’Université de Bordeaux, à l'antenne d'Europe 1.

Clause de non-concurrence et retraite chapeau

Le document de référence de Renault prévoit aussi le versement d'une indemnité de non-concurrence, qui prévoit de compenser son engagement à ne pas exercer une activité concurrente à celle du groupe automobile à la fin de son mandat. Il pouvait ainsi prétendre à deux ans de rémunération brute, fixe et totale, une somme versée sous la forme de 24 mensualités. C'est toutefois au conseil d'administration de se prononcer sur "l’application ou non de la clause de non-concurrence et pourra renoncer à l’application de cette clause unilatéralement."

Enfin, Carlos Ghosn pourra bénéficier d'un régime de retraite supplémentaire (ou retraite chapeau) pour un montant estimé à 800.000 euros par an. Le dirigeant déchu fêtera ses 65 ans le 9 mars prochain et pourra alors en théorie faire valoir ses droits.

L'heure de la revanche pour les actionnaires?

L'ensemble des éléments de rémunération, hormis la partie fixe et la retraite, sera soumis au vote des actionnaires lors de l'assemblée générale de juin prochain.

Et un parfum de revanche pourrait émerger à cette occasion. En 2016, les actionnaires avaient voter contre la rémunération du PDG au titre de l’année 2015. Un vote est consultatif mais qui constituait à l'époque un sérieux revers pour Carlos Ghosn, qui s'était dans la foulée bien fait approuver ses émoluments par le conseil d'administration.

Sauf que, depuis, la loi Sapin 2 a rendu ce vote contraignant. Les actionnaires pourraient donc s'opposer au versement d'une grande partie des indemnités. L'Etat en premier lieu. L'an dernier, l'actionnaire majoritaire avait voté contre sa rémunération pour 2017 mais celle-ci avait tout de même été adoptée de justesse, avec 56,5% des voix.

Julien Bonnet