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Il réclame 25 millions d'euros à son employeur qu'il accuse d'avoir volé son invention

Jean-Michel Lerussé réclame 25,5 millions d'euros à Keolis pour avoir spolié son invention qui permet de nettoyer rapidement et efficacement les rails du métro.

Jean-Michel Lerussé réclame 25,5 millions d'euros à Keolis pour avoir spolié son invention qui permet de nettoyer rapidement et efficacement les rails du métro. - Damien Meyer - AFP

Un salarié de l'entreprise de transport en commun Keolis qui a mis au point sur son temps-libre une machine pour nettoyer les voies de métro accuse son employeur de s'être approprié son invention et lui réclame plus de 25 millions d'euros en justice.

Cet ouvrier de Keolis Rennes porte plainte contre son employeur. Il l'accuse d'avoir ruiné ses chances de déposer un brevet pour son invention qui a permis à Keolis d'économiser des millions d'euros: une machine à nettoyer les voies du métro. Jean-Michel Lerussé réclame 25,5 millions d'euros à l'entreprise en dommages et intérêts.

Pour comprendre l'affaire, il faut revenir en 2001. Jean-Michel Lerussé, aujourd'hui âgé de 52 ans, est agent de maintenance des voies de la nouvelle ligne de métro de Rennes. La nuit, avec une équipe de 6 personnes, il lave les rails, notamment pour éviter des accumulations de matières qui pourraient provoquer des court-circuit, explique-t-il dans Ouest-France. Un travail particulièrement pénible, réalisé à la main, avec de l'eau, du savon et une brosse.

Cet ancien conducteur de bus, par ailleurs formé à la mécanique, se met alors à travailler sur ses heures de repos sur une machine qui pourrait nettoyer les rails. Il construit même une portion de voie de métro chez lui pour tester ses prototypes.

87% d'économies

En 2010, la machine de Jean-Michel Lerussé est opérationnelle. Elle permet, selon lui, d'aller trois fois plus vite: "elle nous permettait de traiter 350 mètres de voie par nuit contre 100 mètres auparavant et avec un résultat bien meilleur", souligne-t-il dans le quotidien local. En 2015, sa machine atteint même 500 mètres de voies nettoyées par nuit.

Outre la diminution de la pénibilité pour ses salariés, Keolis y gagne financièrement, affirme l'avocat de Jean-Michel Lerussé, Stanislas Wellhoff. Il a calculé qu'avant d'utiliser la machine de son client, en 2002, le nettoyage d'un mètre de rail coûtait 5,22 euros à l'entreprise. En 2016, avec la dernière version de son invention, nettoyer un mètre de rail ne revient plus qu'à 0,67 euros. Soit une économie de 87%, souligne le magistrat.

Jusqu'ici, tout le monde est content. Sauf qu'en 2015, Jean-Michel Lerussé souhaite breveter son invention. Il dépose un brevet particulier: le brevet d'invention salarié. Dans ces cas-là, l'entreprise a alors quatre mois pour valider le dépôt de brevet, ce qui va l'obliger à rémunérer davantage le salarié inventeur. Elle peut aussi ne rien faire, ce qui permet à l'employé, à l'issue des quatre mois, de déposer un brevet classique à son nom. Et ainsi de commercialiser son invention auprès d'autres entreprises qui gèrent des métros dans le monde.

"Keolis a sapé le brevet"

Finalement, la direction de Keolis n'a pas validé le brevet d'invention salarié, mais elle a fait pire déplore Stanislas Wellhoff: devant l'inventeur, elle aurait dévoilé les caractéristiques techniques de la machine à une de ses filiales et à des concurrents. Ce faisant, "Keolis a totalement sapé la possibilité de breveter l'invention, car la nouveauté est une des conditions d'enregistrement d'un brevet", explique l'avocat.

C'est pour cela que l'ouvrier, toujours salarié de Keolis mais détaché chez Siemens, a assigné son employeur en septembre dernier devant le tribunal de grande instance de Paris. Il l'accuse de s'être approprié indûment son invention, de l'exploiter de manière tout aussi indue, d'en avoir divulgué les caractéristiques et d'avoir violé son devoir de confidentialité. Jean-Michel Lerussé réclame 25,5 millions d'euros à son employeur, une somme qui correspond selon lui aux économies réalisées et futures de Keolis grâce à sa machine, et à ce qu'aurait rapporté la vente du brevet à ses concurrents mondiaux.

À l'heure où nous publions, Keolis n'avait pas répondu à nos questions sur ce dossier. L'avocat, lui, affirme que son dossier est documenté, le cas solide, et se dit confiant sur l'issue du procès dont la première audience est prévue le 20 novembre, et le verdict sous 12 à 24 mois. 

Nina Godart