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Avion de combat: le Scaf est-il un mirage pour la défense européenne?

Le Scaf a vocation à être le coeur de la défense européenne. Mais la compétition entre industriels et l'attirance de l'Allemagne pour le F-35 mettent ce projet à mal. Dassault Aviation est prêt à sortir un plan B.

Assiste-t-on à la lente agonie du Scaf, le système de combat aérien du futur développé par la France, l'Allemagne et l'Espagne? Ce scénario semble de plus en plus plausible. C'est en tous cas celui auquel se prépare Dassault Aviation, chargé de concevoir le NGF, l'avion de combat au cœur de ce système.

Le programme SCAF est un "système de systèmes" qui s'articule autour de cet avion avec une escadrille de drones, le tout connecté, via un "cloud de combat" accessible aux unités aériennes, terrestres et maritimes. Les doutes d’Éric Trappier, directeur général de Dassault Aviation, sont sérieux.

"L'Europe de la défense va se faire, mais sur la base de l'efficacité et des compétences. Il est temps maintenant de signer le contrat et pas de rediscuter en permanence de la légitimité de la responsabilité de l'architecte et maitre d'œuvre qu'est Dassault", regrette le patron de Dassault Aviation en visant Airbus, l'autre grande partie prenante industrielle à l'affaire.

Les deux industriels ont une "divergence d'intérêts" portant sur la répartition des rôles et le partage des brevets. La répartition des rôles avait pourtant été clairement définie entre les filiales allemandes et espagnoles d'Airbus et Dassault pour la France. Mais ils se rejettent mutuellement la faute alors même que les gouvernements des trois pays partenaires se sont mis d'accord pour financer le lancement du programme avec un montant de 3,6 milliards d'euros.

avion de combat du futur (SCAF)
avion de combat du futur (SCAF) © Airbus

Un plan B "avec d'autres partenaires"

Ce budget doit servir à la création d'un prototype volant (un démonstrateur en langage militaro-industriel) pour 2025. Les premières livraisons du Scaf doivent démarrer autour de 2040. En clair, chaque mois qui passe rogne dangereusement la bonne tenue du calendrier. Éric Trappier a même affirmé le 7 mars n'avoir aucun contact avec Airbus. Et il ne lâche rien.

"C'est au maitre d'œuvre de faire les commandes de vol et il ne s'agit pas de tout dupliquer pour faire un échange de savoir-faire. (...) On défend les intérêt tricolore, Dassault est une entreprise française qui a un savoir faire dans les avions de combat depuis la seconde guerre mondiale", rappelle Éric Trappier en affirmant que "si la situation ne se dénoue pas, il y aura des plans B".

Ce plan B avait déjà été évoqué en 2021 au pus fort de la crise avec l'Allemagne sur ce projet. A l'époque, il n'en disait rien, indiquant seulement "qu'il ne repose pas sur un plan en solo" qui "serait techniquement possible" mais trop cher pour une seule entreprise. S'agit-il de proposer à d'autres pays de rejoindre le projet en faisant entrer d'autres industriels? Éric Trappier ne précise rien, mais il ne parle plus au conditionnel de ce plan B, mais au futur.

"Le plan B, vous le verrez le jour où on l'annoncera. Pour l'instant, je le garde pour moi. Une industrie responsable doit toujours avoir un plan B. Ce n'est pas une menace, c'est une réalité", répond Éric Trappier indiquant qu'il pourrait se faire "avec d'autres partenaires ou sur d'autres sujets. On a des plans B!".

Des F-35 pour l'Allemagne et l'Espagne?

L'autre menace qui plane sur le Scaf est l'investissement de l'Allemagne dans une flotte d'avions de combat. Berlin pourrait signer avec les Etats-Unis pour le F-35 plutôt que sur un appareil européen, qu'il s'agisse du Rafale ou de l'Eurofighter.

"Je crois qu'ils l'ont écrit, c'est une réalité. La première décision de cette nouvelle coalition (européenne) sera d'acheter un avion américain. L'Europe a une préférence américaine", affirme Éric Trappier.

Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Italie, la Norvège, la Belgique et la Suisse ont déjà passé des commandes. Cette liste pourrait désormais s'allonger avec la Grèce et la République Tchèque qui seraient également en discussion avec Lockheed Martin. Et des rumeurs courent sur des contrats avec l'Allemagne et l'Espagne, les deux partenaires de la France dans le programme Scaf. L'Espagne a démenti les affirmations de Lockheed Martin, mais l'Allemagne reste discrète sur ce projet.

Avec son F-35, Lockheed Martin capte les contrats de pays européens dont les appareils seront obsolètes bien avant l'arrivée du Scaf. L'Américain promet de livrer d'ici à 2030 ce qui réduit peu à peu le potentiel commercial du NGF. Selon l'expert Gareth Jennings, il devrait y avoir plus de 500 F-35 en Europe en 2035, soit 5 ans avant l'arrivée de l'avion européen.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco