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Energie

La canicule affecte aussi la production des centrales nucléaires

Le groupe EDF devrait baisser la production de trois de ses centrales nucléaires à partir de ce week-end. En cause, les grosses chaleurs qui empêchent le producteur d'électricité de refroidir ses réacteurs sans affecter la faune et la flore.

Le manque d’électricité frappe aussi l'été. Après les problèmes de corrosion qui ont touché son parc nucléaire ces dernières semaines, EDF se trouve désormais confronté à la canicule et à la sécheresse. En conséquence, l'énergéticien a été contraint de baisser la production de plusieurs de ses réacteurs nucléaires. Les centrales de Golfech et de Bugey sont concernées à ce stade.

"A la demande du gestionnaire de réseau d'électricité national (RTE), l'unité de production n°2 de la centrale de Goldfech reste en production (puissance minimale)", a indiqué EDF ce vendredi. Cette puissance minimale correspond à environ 300 MW, contre 1300 MW habituellement. Le second réacteur de la centrale située dans le Tarn-et-Garonne est pour sa part en arrêt programmé.

"Les unités de production n°2 et 5 ont été maintenues sur le réseau dans le respect des dispositions relatives aux situations climatiques exceptionnelles", indique le groupe à propos de la centrale de Bugey. Ces deux réacteurs ont "dû effectuer des baisses de charge", autrement dit réduire leur puissance, a précisé une porte-parole d'EDF à l'AFP. Les deux autres réacteurs de la centrale sont pour leur part en arrêt pour une maintenance programmée. Le site de Tricastin (Drôme) est aussi susceptible de faire l'objet de restrictions de production, à partir de ce samedi, selon un communiqué d'EDF rapporté par l'AFP, mercredi.

En cause, la dépendance de ces centrales nucléaires à l’eau. "Chaque centrale nucléaire est implantée à côté d’une source d’eau (fleuve, rivière ou mer) pour permettre le fonctionnement et le refroidissement des différents circuits", rappelait le groupe dans un communiqué publié le 10 juin dernier.

Une mesure de protection environnementale

Ces eaux sont ensuite rejetées par la suite, dans l'environnement, avec 2 degrés de plus. Or, chaque centrale a ses propres limites réglementaires de température de rejet de l'eau à ne pas dépasser, afin de ne pas échauffer les cours d'eau environnants et d'en protéger la faune et la flore. Des règles plus difficiles à respecter en temps de canicule.

"Les conditions climatiques exceptionnelles que nous connaissons depuis quelques jours se traduisent par une montée de la température du Rhône, qui a atteint plus de 25 degrés", a ainsi constaté EDF dans un point distinct sur la centrale du Bugey.

"Cela peut conduire EDF à limiter ponctuellement le fonctionnement de certains réacteurs", a ajouté le ministère. Avant de préciser: "cette situation se produit de manière récurrente et s'est déjà produite en 2022, du fait de la vague de chaleur intense que nous connaissons".

En juin déjà, la centrale de Saint-Alban avait fonctionné au ralenti. "Les récents épisodes de chaleur et de sécheresse ont eu un impact sur la température et le débit du Rhône", avait expliqué EDF dans un communiqué. "Ce phénomène a conduit EDF, pour respecter la réglementation relative aux rejets thermiques, à réduire ponctuellement la production de certaines unités", avait poursuivi le fournisseur d’électricité.

Les arrêtés fixant les limites de rejet prévoient également des seuils plus élevés "en conditions climatiques exceptionnelles", comme c'est le cas actuellement à Golfech.

Des dérogations accordées à 5 centrales

Mais des dérogations peuvent encore relever les seuils. "Compte tenu des tensions sur le réseau électrique européen, EDF peut ponctuellement demander une dérogation à l’ASN pour que ses centrales puissent continuer à opérer malgré tout", indique le ministère de la Transition énergétique. Une mesure que le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher justifie tant "pour le maintien de la sécurité du système électrique à court terme que pour la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France pour l’automne et l’hiver prochain".

Ces dérogations sont autorisées par l’Autorité de sûreté nucléaire avant d’être homologuées par l’Etat. "Depuis la mi-juillet, quatre centrales sont concernées par une dérogation: Golfech, Saint-Alban, Blayais et Bugey", a rapporté le ministère de la Transition énergétique. Or l'ASN a décidé que prolonger ces dérogations, dont la fin était initalement prévue au 7 août, jusqu'au 11 septembre. "L’ASN a également autorisé, hier, une cinquième autorisation de dérogation, concernant celle de Tricastin", a ajouté le ministère.

En juillet, des demandes de dérogations à ces règles environnementales déposées par EDF avaient été accordées à quatre centrales jusqu’à la fin du mois. Les sites de Bugey (Ain), de Golfech (Tarn-et-Garonne), du Blayais (Gironde) et de Saint-Alban (Isère) étaient concernés.

Encore limitées, ces baisses de production estivales pourraient cependant se multiplier à l'avenir. Le gestionnaire de réseau RTE estime qu’ils vont doubler ou tripler d’ici à 2050. Dans son rapport Futurs 2050 paru fin 2021, RTE soulignait le risque du réchauffement climatique et des multiplications des épisodes caniculaires pour le parc nucléaire.

Les prochains EPR construits en bord de mer

"Les centrales nucléaires existantes situées en bord de fleuve seront plus régulièrement affectées par des périodes de forte chaleur et de sécheresse: même si les volumes d’énergie perdue resteront faibles à l’échelle annuelle, ceux-ci pourraient toutefois concerner des puissances significatives", pouvait-on lire dans ce rapport.

Un risque qui pourrait être réduit par le choix de localisation des nouvelles centrales. "La sensibilité des nouveaux réacteurs nucléaires à ces aléas climatiques pourra être minimisée en privilégiant certains sites (en bord de mer ou en bord de fleuves faiblement contraints en matière de débits et de température seuil) et grâce aux aéroréfrigérants imposés pour les futures centrales en bord de fleuve", estimait RTE.

En février dernier, Emmanuel Macron avait annoncé la construction de six nouveaux réacteurs, sur le territoire, pour une mise en service à l'horizon 2035. Le 10 novembre 2021, le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy, avait déjà annoncé que le site de Penly près de Dieppe était choisi pour la construction de deux premiers réacteurs pressurisés européens (EPR) de deuxième génération. Le site de Gravelines, dans le Nord, accueillera également deux autres EPR. Quant aux derniers réacteurs, leur localisation n'a pas encore été déterminée.

Nina Le Clerre avec Matthieu Pechberty