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Energie

L'Union européenne a importé plus de 100 milliards d'euros d'hydrocarbures russes depuis l'invasion de l'Ukraine

Malgré la chute des importations européennes de gaz et charbon russes qui a suivi le début de la guerre en Ukraine, Moscou est parvenu à générer plus de 100 milliards d'euros en exportant ses hydrocarbures vers les pays de l'UE, notamment du pétrole.

La Russie a atteint fin septembre le seuil symbolique des 100 milliards d'euros de recettes issues de ses exportations d'hydrocarbures depuis l'invasion de l'Ukraine. C'est le chiffre marquant révélé mardi par le think-thank Center for Research on Energy and Clean Air (Crea). Le pays de Vladimir Poutine a compensé la fin des importations européennes de son charbon en vigueur depuis le 10 août et la baisse drastique de celles de son gaz grâce à ses livraisons de pétrole brut, produits pétroliers, gaz naturel liquéfié (GNL) et gaz par pipeline qui ont engrangé 260 millions d'euros ... par jour.

Le Crea indique que ces recettes auraient pu être bien moindre si l'Union européenne avait plafonné les prix des combustibles fossiles russes, mesure discutée lors du sommet du G7 à la fin du mois de juin. Son application aurait permis de réduire la facture de 11 milliards d'euros depuis début juillet. Ce gain aurait même pu grimper au-delà des 14 milliards d'euros en cas d'extension du dispositif aux cargaisons de combustibles fossiles transportées vers des pays tiers à bord de navires détenus par des Européens.

Dans le détail, l'Allemagne revendique la plus forte chute d'importations de gaz en raison de l'interruption des livraisons via le gazoduc Nord Stream. De son côté, la Grèce a augmenté ses importations de pétrole brut.

La France a été le principal importateur de GNL, avec des volumes inchangés par rapport à août, précise le think-tank. Les importations de GNL de l'Espagne ont diminué après le pic enregistré en juillet-août."

Une sortie d'été difficile pour la Russie

L'analyse à court terme révèle cependant que la rentrée est douloureuse pour l'économie russe. L'ensemble des différentes exportations d'hydrocarbures russes ont diminué depuis le mois d'août tandis que celles de gaz naturel liquéfié sont restées stables. Les recettes issues de ses exportations de combustibles fossiles ont ainsi chuté de 14% entre septembre et août. Malgré la part croissante des clients relais trouvés par la Russie comme l'Inde, la Chine, la Turquie ou encore la Malaisie, l'Union européenne reste le principal importateur de combustibles fossiles russes sur le mois de septembre.

Ces relais ont particulièrement soulagé le manque à gagner engendré par les suspensions occidentales même si certains Etats membres de l'UE n'ont pas fait respecter l'interdiction aux navires européens de transporter du charbon russe vers d'autres pays. Une négligence qui a permis à la Russie de combler la moitié de ses pertes sur le marché européen. A ce titre, c'est la Turquie qui a su tirer profit de la situation puisque deux navires sur trois lui livrant du charbon russe appartiennent à des pays de l'Union européenne.

Cela "montre que l'UE a le pouvoir de restreindre ce commerce ou d'imposer un plafonnement des prix si elle le souhaite", estime le Crea.

Les pays asiatiques comme bouées de secours

Globalement, c'est en Asie que la Russie a renforcé ses liens commerciaux voire même trouvé de nouveaux clients. C'est par exemple le cas de l'Inde qui n'importait pratiquement aucun combustible fossile russe avant l'invasion de l'Ukraine et qui se fait aujourd'hui livrer d'importantes quantités de pétrole brut. "Les importations chinoises de pétrole brut en provenance de Russie ont commencé à diminuer en septembre, probablement en raison de la baisse générale de la demande de pétrole", observe le Crea.

En revanche, les importations d'or noir russe de la Malaisie connaissent un nouveau pic en septembre, au même titre que celles de gaz naturel liquéfié pour le Japon et que celles de charbon pour la Corée du Sud.

Dans l'ensemble, les exportations totales de la Russie vers les pays non membres de l'UE sont restées largement stables depuis mars, tandis que les exportations de l'UE ont diminué de moitié, ce qui a entraîné une baisse globale de 30 % des exportations russes de combustibles fossiles en volume", résume le think-tank.
Timothée Talbi