BFM Business
Energie

Guerre en Ukraine: va-t-on rapidement manquer de gazole?

Entre des stocks très bas et des tensions énergétiques très fortes, c'est bien le gazole qui risque de manquer à la pompe.

Le gazole (appelé aussi diesel) est-il un carburant en voie d'extinction? Pas pour l'instant, mais de premiers signes de pénurie inquiètent les professionnels. Dans certaines stations-services, les cuves sont vides ou peinent à se remplir.

Dans l'Ouest, certains fournisseurs n'arrivent pas à livrer leurs clients, comme le raconte Ouest-France. Selon Reuters, des pénuries ponctuelles s'observent aussi en Allemagne, en Hongrie et en Suède. La semaine dernière, Shell et BP ont décidé de suspendre leurs ventes de diesel en Allemagne pour éviter de futures pénuries.

Déjà, les prix du gazole ont dépassé ceux de l'essence Sans plomb 95 en France.

Comment en est-on arrivé là? Premier constat, les stocks de gazole sont au plus bas. Et cela ne s'était plus vu depuis la crise 2008. La faute à la relance économique post-covid-19 qui a entrainé une forte demande tout le long de l'année 2021 en énergie.

Et s'il se vend désormais plus de véhicule neufs à moteur essence que de véhicules diesel, le secteur du transport routier, de l'agriculture ou du BTP sont de très gros consommateurs de gazole. Il représentait 75,7% de la consommation française de carburants routiers en février dernier. La demande est donc forte mais l'offre baisse drastiquement.

Impact de la guerre

Une des spécificités du gazole est son traitement à l'hydrogène qui permet de réduire la teneur en soufre du pétrole brut utilisé. Or l'hydrogène utilisé est lui-même fabriqué grâce… au gaz naturel. En clair, on utilise du gaz (principalement russe) pour fabriquer le gazole. Compte tenu de l'explosion des prix du gaz ces derniers mois, il est de plus en plus coûteux à fabriquer. Résultat: la production baisse.

A cela, il faut ajouter le spectre d'une escalade du conflit avec la Russie. "En 2020, la France a importé 25 millions de tonnes de gazole (donc de pétrole déjà transformé) dont un quart était du gazole russe, à peu près 6 millions de tonnes" expliquait récemment à l'AFP Olivier Gantois, le patron de l'Union Française des Industries Pétrolières (UFIP).

Forcément, un éventuel embargo n'arrangerait personne. Et déjà les importateurs limitent leur commande par précaution: "il y a forcément une appréhension. Ils se demandent s'ils vont bien recevoir leur gazole" explique Frédéric Plan, délégué général de la Fédération Française des Combustibles Carburants et Chauffage (FF3C).

Quelles solutions?

Les distributeurs s'inquiètent mais promettent des solutions. "On ne peut pas parler de pénurie actuellement", promet-on chez le distributeur Esso, filiale d'ExxonMobil. "Nous travaillons avec l'Etat pour diversifier nos sources d'approvisionnement."

Mais tous les pétroles ne se valent pas. Il existe une grande diversité d'or noir allant d'un brut léger et peu soufré à des bruts lourds et fortement soufrés. Le Nigéria, par exemple, est réputé pour la qualité de son pétrole quand le Venezuela est assis sur un hydrocarbure très lourd, qui demande un raffinage plus complexe.

L'idée serait donc d'aller chercher du brut très léger et peu soufré pour éviter d'utiliser du gaz mais les producteurs comme le Nigéria ou l'Angola tournent déjà à plein régime. Les marges de manœuvres viennent plutôt de la péninsule arabique où la qualité est finalement assez inégale.

L'échéance du 1er avril

Finalement, le risque le plus important est le 1er avril prochain, date à laquelle la remise de 15 centimes par litre de carburant accordée par le gouvernement s'appliquera. L'affluence s'annonce forte aux stations. "Nous essayons de trouver une solution pour y faire face mais on ne l'a pas encore" reconnaît Frédéric Plan. La pénurie pourrait alors bien arriver mais elle devrait rester temporaire.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business