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Energie

Appel à la modération énergétique: comment faisait la France dans les années 70 quand les prix flambaient?

Ce n'est pas la première fois que les Français sont invités à réduire leur consommation de gaz ou d'électricité. Petit saut dans le passé...

Face au risque de pénurie et de flambée des prix, les énergéticiens français (TotalEnergies, EDF et Engie) ont appellé les Français à réduire "immédiatement" leur consommation de carburant, pétrole, électricité et gaz.

"L'effort doit être immédiat, collectif et massif. Chaque geste compte", indiquent dans une rare tribune commune, Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Jean-Bernard Levy (EDF) et Catherine MacGregor (Engie), alors que la France, comme le reste de l'Europe, tente de remplir ses réserves de gaz pour l'hiver prochain, avec un objectif français de 100% de stockages remplis d'ici au début de l'automne, malgré la baisse des livraisons de gaz russe.

Ce n'est pas la première fois que les Français sont invités à réduire leur consommation de gaz ou d'électricité.

1974: baisse de la vitesse, heure d'été et plafonnement du chauffage...

Fin 1973, la guerre du Kippour en Israël provoque un quadruplement du prix du baril de pétrole en quelques semaines seulement. Très vite, les Français sont appelés à la sobriété énergétique à travers les actions de l’Agence pour les économies d’énergie (AEE) nouvellement créée.

Plusieurs mesures de court terme sont mises en place et sont médiatisées, une approche inédite pour l'époque:

  • limitation de la vitesse automobile à 90km/h sur les routes et à 120 km/h sur autoroute,
  • fin des émissions de télévision à 23h hormis le samedi soir et pendant les fêtes,
  • interdiction de la publicité lumineuse ainsi que de l’éclairage des monuments publics et des bureaux inoccupés de 22h à 7h,
  • plafonnement du chauffage à 20 degrés "dans les locaux à usage d’habitation, d’enseignement, de bureaux ou recevant du public"

Second volet de cette stratégie gouvernementale, l'inoubliable campagne de publicité: "En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées" qui incarne la stratégie et les objectifs du gouvernement. C'est une réussite puisque encore aujourd'hui, on se souvient de ce slogan.

Au printemps 1974, Valéry Giscard d’Estaing est élu président de la République. Deux ans après son arrivée au pouvoir, il imposera à son tour sa mesure symbolique (mais contestée) pour réduire la consommation d’énergie avec l’instauration du changement d’heure.

1979: la chasse au gaspi

Dans sa revue "Pour Mémoire", le ministère de l'Ecologie rappelle que "la controverse sur les économies de fioul effectivement réalisées était née avant même le premier changement d’heure, le dimanche 28 mars 1976. D’un côté EDF, qui avait alors des relations houleuses avec l’AEE, témoignait de son scepticisme quant à l’intérêt réel de l’opération".

Dans les médias, Roger Gicquel, présentateur emblématique du journal télévisé sur la première chaîne, introduisait le sujet en affirmant ne rien comprendre...

En 1976, le gouvernement lance de nouvelles campagnes de communication pour inciter les Français à faire les bons gestes. Il ne s'agit plus de mesures contraignantes mais d'appels au bon sens.

La première mettait en avant les mérites du thermostat pour les chauffages dans les foyers tandis que la seconde vantait la conduite automobile douce afin de réduire la consommation d'essence.

En 1979, c'est le second choc pétrolier, résultat des effets conjugués de la révolution iranienne, de la guerre Iran-Irak et du redémarrage de la demande mondiale. Le prix du pétrole est multiplié par 2,7 entre le milieu de l'année 1978 et 1981.

Là encore, le gouvernement tente d'impliquer rapidement les citoyens pour réduire leurs consommations d'énergie. Pour ce faire, l'AEE créé un petit personnage dénommé Gaspi, nouveau compagnon des automobilistes.

Transformer une contrainte en jeu

Avant l'heure, le gouvernement transforme une exigence en jeu. L’été 1979 fut en effet l’occasion de la première grande "chasse au Gaspi", un jeu concours national pour les automobilistes.

Un autocollant Chasse au gaspi
Un autocollant Chasse au gaspi © DR

Les stations-service furent approvisionnées en cartes routières et en prospectus d’information, en 5 millions d’exemplaires. Plus de 200 "écoles de chasse au Gaspi" furent ouvertes le long des routes pour former les conducteurs. Ainsi, un automobiliste pouvait connaître la consommation moyenne de chaque modèle de voiture, exprimée en litres pour 100 km, et devait, en changeant sa conduite, améliorer sa performance.

"Faire porter l’essentiel des efforts sur l’automobile était parfaitement logique: puisqu’il fallait économiser du pétrole et changer les comportements, les déplacements en voiture étaient bien la consommation la plus évidente pour l’immense majorité des Français" rappelle le ministère de l'écologie.

En 1980 et 1981, de nouvelles campagnes de "chasse au Gaspi" sur les routes furent lancées. La campagne fut ensuite déclinée pour le chauffage par l’intermédiaire de films publicitaires sous la forme d’un dessin animé.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business