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Weinberg Capital lance un fonds d'investissement dans la défense, la sécurité civile et le cyber

Weinberg Capital Partners lance un fonds de 100 millions d'euros pour investir dans les PME et les ETI de la défense, de la sécurité civile et le cyber. Son président, Serge Weinberg, a expliqué sa démarche sur BFM Business.

Produire plus et plus vite. L'industrie de l'armement se mobilise pour participer à l'économie de guerre. Le secteur de la finance n'est pas en reste. Weinberg Capital Partners annonce une levée de fonds de 100 millions d'euros pour investir dans les PME et les ETI spécialisées dans la défense, la sécurité civile et le cyber. L'objectif est d'aider ces entreprises à monter en cadence pour s'adapter à une industrie en tension depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022.

"Autour des sept grandes entreprises de la défense, il y a derrière un tissu de 4000 entreprises profitables, très petites et qui ont un savoir-faire très pointu essentiel pour assurer la fourniture de tous les moyens nécessaires aux grands donneurs d'ordres", explique Serge Weinberg, président de Weinberg Capital Partners et du conseil d'administration de Sanofi.

Cette démarche est audacieuse. Habituellement, les fonds d'investissements craignent de se lancer dans l'industrie de l'armement pour des raisons éthiques et de peur d'écorner leur image.

"Beaucoup voient la problématique de la défense comme hors sujet. On est parti d'une analyse différente. Nous sommes très engagés dans l'ESG [les critères liés à l'environnement, le social et la gouvernance, NDLR]. Pour autant, quand on regarde les choses factuellement, que signifie l'ESG si nous ne sommes pas capables d'assurer notre sécurité?", interroge Serge Weinberg.

"Partant de cette analyse, c'est un peu absurde d'exclure la défense".

Sécurité civile et cybersécurité

Ce fonds n'est pas exclusivement consacré à la défense au sens militaire du terme. Il s'étend également à la sécurité civile et la cybersécurité.

"Il y a beaucoup de sociétés qui sont à la fois dans le civil et le militaire", explique le dirigeant du fonds.

Ces 100 millions d'euros sont "une première étape", précise Serge Weinberg qui annonce son intention de lever des fonds plus importants, ce "qui permettra de s'attaquer à des entreprises de plus grande taille". Weinberg compte attirer des co-investisseurs avec pour objectif de devenir actionnaire majoritaire des entreprises dans lesquelles le fonds investit.

"Ces entreprises de taille modeste font peu de commercial, pas de consolidation. Nous voulons leur donner des moyens de grandir en croissance organique et externe", assure Serge Weinberg.

Cette initiative pourrait permettre d'éviter que des pépites françaises de la défense ne soient rachetées par des entreprises étrangères. C'est arrivé récemment à Exxelia, spécialiste des composants pour l'aviation militaire ou l'industrie spatiale européenne. Cette entreprise fournit des pièces pour les sous-marins nucléaires d’attaque français Barracuda, pour le Rafale, les lanceurs Ariane 5 et 6 et également pour l’A320neo et la gamme de jets d’affaires Falcon de Dassault. Faute d'offres "à la hauteur", comme l'avait expliqué Emmanuel Chiva, délégué général pour l'armement, il a finalement été racheté par le groupe américain d'électronique et de défense Heico.

Photonis, leader mondial de la vision nocturne, a failli connaître le même sort. Pour éviter son rachat par Teledyne, une entreprise américaine, l'Etat avait bloqué la vente. L'entreprise a finalement été rachetée ensuite par le fonds d'investissement HLD, basé à Paris.

Le ministère des Armées dispose de son côté de deux leviers d'investissement à travers Definfest (BPI) et le Fond Innovation Défense qui disposent ensemble d'une capacité de 400 millions d'euros.

Une réunion stratégique avec les industriels

L'initiative de Weinberg Capital est suivie de près par le gouvernement qui incite le secteur à s'inscrire dans l'économie de guerre décidée par Emmanuel Macron. Ce jeudi, en fin de journée, le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le délégué général pour l’armement (DGA) Emmanuel Chiva, et les représentants de l'industrie de l'armement (BITD, base industrielle et technologique de défense) doivent se rencontrer une seconde fois pour définir une feuille de route, des méthodes et formaliser les moyens et les besoins.

Les industriels devront participer activement à la reconstitution des stocks de matériels et de munitions. Ils seront appuyés financièrement par l'Etat avec une loi de programmation militaire (LPM) d'un montant jamais atteint depuis 30 ans: 413 milliards d'euros. Lors de cette réunion, qui abordera bien sûr la problématique de la guerre en Ukraine, le ministre et le DGA doivent aussi aborder la question l'accès aux financements privés.

Mais l'autre point crucial reste le recrutement d'experts de tous domaines. Si les industriels rencontrent des difficultés à embaucher des techniciens, notamment des soudeurs, le problème est encore plus important dans la technologie où ils se disputent les talents avec les grandes entreprises de la tech qui offrent d'importants salaires.

Enfin, la guerre en Ukraine a conduit les pays d'Europe à réinvestir dans le secteur de l'armement. Cette situation met cette industrie dans une situation de concurrence tendue au sein de l'Union européenne, en plus des compétiteurs classiques comme les Américains, dont l'industrie s'est également mise en ordre de marche dans une économie de guerre industrielle.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco