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Défense

Ukraine: la cession d'armement doit devenir "l'exception", annonce Sébastien Lecornu

En déplacement à Kiev, le ministre français des Armées a soulevé les risques du prélèvement d'équipements de son armée au profit des forces ukrainiennes. La France compte sur ses industriels pour ancrer son aide dans la durée.

Face à une guerre qui se prolonge, la France veut ancrer son aide à l'Ukraine dans la durée et passer d'une logique de cession d'équipements militaires à la mise en place de partenariats industriels entre les deux pays. En déplacement à Kiev, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a insisté sur la nécessaire "endurance" dont doit faire preuve Paris dans son soutien à l'Ukraine.

"On le sait, cette guerre va durer. Comme elle va durer (...), il faut faire en sorte que demain on continue d'être fiable dans notre aide à l'Ukraine", a affirmé le ministre peu après s'être recueilli devant le "Mur des héros", un mémorial à Kiev consacré aux militaires tués sur le front.

La cession d'armement doit devenir "l'exception"

Depuis le début de l'invasion russe en février 2022, Paris a prélevé certains équipements de son armée au profit des forces ukrainiennes. Il s'agit notamment d'une centaine de véhicules blindés de transport de troupes VAB, 30 canons automoteurs Caesar, des chars légers ou encore des systèmes et missiles sol-air. Les parcs et stocks de l'armée française étant limités, cette pratique n'est pas tenable à terme malgré la montée en cadence réclamée aux industriels dans le cadre d'un passage à l'"économie de guerre" voulue par le président Emmanuel Macron.

"Petit à petit, on va aller d'une logique où la cession ne sera plus le principe mais l'exception", a affirmé Sébastien Lecornu, qui a toutefois annoncé qu'une "dotation mensuelle d'obus" sera livrée chaque mois à l'Ukraine d'ici la fin 2024.

Mais il veut privilégier "les acquisitions, parfois sous subvention française". Pour cela, il faut selon lui "mettre en lien directement notre industrie de défense" avec la partie ukrainienne.

Aussi le ministre est-il venu accompagné d'une vingtaine d'industriels de la défense spécialisés dans le combat terrestre (blindés, artillerie), les drones, le cyber ou le déminage. Parmi eux Nexter, constructeur des canons Caesar et d'obus de 155 mm et la PME toulousaine Delair, qui a fourni cet été 150 drones de reconnaissance résistant au brouillage. Ces entreprises doivent participer cette semaine au premier Forum des industries de défense organisé par l'Ukraine et censé rassembler à Kiev plus de 160 sociétés de 26 pays, selon Volodymyr Zelensky.

Faire de l'Ukraine l'"arsenal" de l'Europe

Dix-neuf mois après le début du conflit, le pays ne cesse de réclamer armes et munitions à ses soutiens, mais entend aussi développer ses propres capacités de production pour répondre à ses immenses besoins. Volodymyr Zelensky, avec qui le ministre français s'est entretenu, a dit cette semaine vouloir "créer un arsenal nouveau et puissant".

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Pour cela, Kiev entend développer sur son territoire, notamment avec Paris, des "productions communes d'armements et de réparation de matériels existants", a indiqué le ministre de la Défense Roustem Oumerov lors d'une conférence de presse avec son homologue français.

L'Ukraine s'apprête à créer un "fonds de défense" pour financer ce type de projets. "Une société qui voudrait venir en Ukraine pour lancer des lignes de production pourrait compter sur ce fonds", a-t-il promis.

"Avant nous importions, maintenant nous essayons de localiser la production en Ukraine et j'espère qu'après la guerre nous pourrons exporter ces armements", a affirmé Roustem Oumerov.

Partenariats franco-ukrainiens pour la maintenance

Côté français, on se veut pragmatique.

"On ne pourra pas le faire sur tous les équipements mais sur certains objets très courants, c'est possible", a estimé Sébastien Lecornu.

Pour l'heure, c'est surtout sur la maintenance des équipements déjà livrés que portent la vingtaine de partenariats et contrats que plusieurs industriels sont amenés à signer lors du Forum des industries de défense. Le groupe Arquus doit ainsi passer lors du forum un accord avec une entreprise ukrainienne pour créer un atelier de maintenance des VAB livrés à Kiev, a indiqué son PDG Emmanuel Levacher.

Le spécialiste du déminage CEFA entend, lui, conclure un contrat pour fournir des robots démineurs, tandis que la PME Vistory espère livrer à Kiev deux usines d'impression 3D pour permettre aux Ukrainiens de façonner les pièces de rechange pour leurs équipements. "On est capable de livrer en deux mois", a assuré son président Alexandre Pédemonte, pour qui "l'enjeu c'est d'augmenter la disponibilité des équipements".

PS avec AFP