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Défense

Les industriels américains de la défense payent l'addition du Covid et des sanctions russes

Un avion F-35 de l'US Air Force est ravitaillé par un avion KC-10 Extender, dans une photo du 24 février 2022, fournie par le département américain de la Défense

Un avion F-35 de l'US Air Force est ravitaillé par un avion KC-10 Extender, dans une photo du 24 février 2022, fournie par le département américain de la Défense - Joseph Barron © 2019 AFP

Raytheon, Boeing, Lockheed Martin ne tirent pas avantage des tensions internationales. Leurs résultats reculent à cause des sanctions prises contre la Russie et de la résurgence du Covid en Chine.

Les géants américains de la défense payent le prix de la guerre lancée par la Russie contre l'Ukraine. Un paradoxe dans cette situation puisqu'habituellement, les conflits poussent les états à se réarmer pour consolider leurs stocks. Raytheon qui fabrique les missiles Stinger et les Javelin avec Lockheed Martin a abaissé ses prévisions de revenus de 750 millions de dollars pour l'année.

Lors d'un point avec des investisseurs, son PDG, Greg Hayes, impute cette situation aux sanctions mondiales imposées à la Russie qui limitent les ventes. Les ventes à la Russie représentent 1,5 % des ventes de Raytheon, soit environ 900 millions de dollars par an. Le dirigeant a reconnu que cette situation cause un "coup relativement important" sur les bénéfices.

La vente des missiles à l'Ukraine sont loin de compenser ce manque à gagner. Greg Hayes a confié que les marges sur ces ventes sont presque nulles. Elles pourraient même nécessiter de nouveaux investissements. La chaîne de production des Stinger a été arrêtée en 2020. Pour la relancer, Raytheon devra trouver des composants pour remplacer ceux qui ne sont plus fabriqués et donc revoir le process industriel.

Approvisionnement de matériaux

Cette situation soulève un autre problème puisque de nombreuses pièces en acier, en aluminium, en nickel ou en titane qui sont nécessaires à l'aéronautique proviennent de Russie. Les industriels ne peuvent même pas se tourner vers la Chine dont les sites de production sont bloqués par la résurgence du Covid qui provoque en prime des retards des acheminements depuis Shanghai, le plus grand port maritime du monde.

Boeing et Lockheed Martin, constructeurs entre autres des F-18 et des F-35, en subissent les conséquences. Le programme de l'avion d'entraînement T-7A Red Hawk de Boeing et Saab a subi un premier dépassement de coûts de 367 millions de dollars.

Dans un communiqué, le groupe aéronautique explique que cette hausse est "principalement dus aux négociations en cours avec les fournisseurs, impactées par les contraintes de la chaîne d'approvisionnement, le Covid-19 et les pressions inflationnistes".

Lockheed Martin a annoncé une baisse annuelle de 8 % de ses ventes en raison de pénuries d'approvisionnement liées à la pandémie. La société a déclaré que bien qu'elle soit en pourparlers avec le Pentagone pour augmenter la production d'armes pour l'Ukraine, elle n'a pas encore augmenté sa production. Le directeur financier Jay Malave tente de rassurer en affirmant que la production pour l'Ukraine n'aura pas d'impact immédiat sur les résultats financiers.

Le F-35 sera plus cher

Une autre conséquence pourrait toucher le F-35 dont les ventes export sont en fortes hausses, notamment en Europe. Selon Jim Taiclet, PDG de Lockheed Martin, l'inflation et les problèmes d'approvisionnement vont impacter le coût du chasseur plus que prévu et allonger les délais de production. Ces dernières années, le coût du F-35 était en baisse et en faisant un atout dans les appels d'offres mondiaux. En Europe, de nouveaux contrats devraient être signés avec la Suisse, la Finlande, mais aussi l'Allemagne.

Le lieutenant-général de l'Air Force Eric Fick, responsable du programme F-35 pour le département américain de la Défense reconnait que le prix des avions en cours de négociations sera probablement plus élevé que prévu. Il se veut rassurant et dit voir de "la lumière au bout du tunnel".

Le dernier rapport du Government of Accountability Office (GAO) publié le 25 avril est moins optimiste. Cet organisme indépendant qualifie d'"exorbitant" les coûts du chasseur furtif. Selon ce rapport, le Pentagone devra débourser près de 13 milliards de dollars par an en moyenne jusqu’en 2037, afin d’assurer le financement du F-35. Le coût total du programme est actuellement de l'ordre de 400 milliards de dollars.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco