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Défense

L'UE appelée à la "préférence européenne" pour son réarmement

Les alliés de l'Otan, dont 21 sont membres de l'UE, se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB à leurs dépenses de défense. Josep Borrell et Thierry Breton appellent à la "préférence européenne".

Dépenser plus, mieux, et acheter Européen pour la défense commune: la guerre de la Russie en Ukraine est un "réveil brutal" pour les pays de l'UE, incités mercredi à combler leurs faiblesses et à réduire leur dépendance envers les Etats-Unis. Lors d'un sommet en février à Versailles, les dirigeants européens avaient demandé à la Commission un état de lieux et des propositions. La copie sera sur leur table pour le sommet extraordinaire convoqué les 30 et 31 mai.

Electrochoc

Le constat dressé mercredi par le chef de la diplomatie européenne, l'Espagnol Josep Borrell, et le Commissaire à l'Industrie et à la Défense, le Français Thierry Breton, est sévère. L'Union européenne a "désarmé pendant des années" et se retrouve dépourvue avec le retour de la guerre en Europe. Les dépenses de défense des pays de l'UE ont augmenté de 20% entre 1999 et 2021, quand leur croissance a été de 60% aux Etats-Unis, de 292% en Russie et de 592% en Chine, a souligné la Commission.

La guerre en Ukraine a provoqué un électrochoc. Les Européens ont prélevé dans leurs stocks pour fournir des armes aux Ukrainiens et beaucoup de gouvernements ont relevé leur budget de défense.

"Un réarmement massif est engagé", note la Commission. Des engagements pour près de 200 milliards d'euros ont été annoncés par les Etats membres.

Jusqu'à présent très réticente sur la défense, l'Allemagne va porter ses dépenses à 2% de son PIB et veut constituer un fonds exceptionnel doté de 100 milliards d'euros. Les alliés de l'Otan, dont 21 sont membres de l'UE, se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB à leurs dépenses de défense en 2024. Mais 8 seulement, dont 6 Européens (Pologne, Grèce, Estonie, Lituanie, Lettonie et Croatie), les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont atteint cet objectif en 2021. La France était à 1,93% et l'Allemagne à 1,49%.

"Il faut coordonner cet influx d'investissements et les canaliser vers les priorités", avertit un responsable européen.

Trois urgences ont été identifiées: la reconstitution de stocks de munitions et d'armes épuisés par les fournitures à l'Ukraine, les capacités de défense anti-aérienne et le remplacement du matériel hérité de l'ère soviétique.

Les Etats-Unis sont déjà sur les rangs pour équiper leurs alliés européens. Des systèmes de défense anti-aériens Patriot ont été fournis pour remplacer les systèmes russes S-300 fournis à l'Ukraine. Or l'UE a aussi un système de défense anti-aérien, celui du groupe Thales. Les Européens produisent également des armes et des munitions.

"Il faut se débarrasser des équipements soviétiques, mais il ne faut pas tomber dans une dépendance non européenne", insiste le responsable européen. "Depuis 2006, 60% des achats d'armements européens ont été des importations de pays non européens", précise-t-il.

Tabou brisé

"Il est urgent d'investir ensemble, mieux et en Europe", a lancé Thierry Breton.

La Commission propose de créer des incitatifs financiers avec le budget commun pour soutenir les industriels de l'UE. Il faut favoriser une "préférence européenne", insiste un de ses responsables.

Si les dirigeants acceptent, un instrument sera créé "d'ici l'été" doté de 500 millions d'euros pour la période 2023 et 2024 pour des achats "très ciblés" d'armements destinés à protéger l'UE. Il est appelé par la suite à financer des achats groupés.

"On brise un tabou, car l'UE s'interdit d'utiliser le budget commun pour financer des opérations militaires", explique le responsable européen.

La "Facilité européenne pour la paix" utilisée pour financer les achats et les livraisons d'armes pour l'Ukraine a été créée par les Etats membres hors du budget commun et la décision de l'utiliser est prise par les seuls Etats membres à l'unanimité.

Elle a été dotée de 5 milliards et 2 ont déjà été mobilisés en faveur de l'Ukraine depuis le début du conflit. L'argent rembourse les Etats membres pour les armes prélevés dans leurs stocks.

"Nous avons suffisamment de ressources pour 2022", a assuré Josep Borrell. Mais il faudra davantage d'argent au cas où le conflit se poursuit au-delà de la fin de l'année. "Si les Etats membres décident de remettre de l'argent, il sera possible d'augmenter sa dotation", a-t-il expliqué. Mais il faudra reconstituer les stocks européens, ce sera l'utilité du nouvel instrument.
PS avec AFP