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Défense de l'Europe: le bouclier antiaérien de la discorde divise la France et l'Allemagne

Pour créer un bouclier européen, l'Allemagne a choisi l'Arrow 3 israélo-américain pour un contrat de 2 milliards d'euros

Pour créer un bouclier européen, l'Allemagne a choisi l'Arrow 3 israélo-américain pour un contrat de 2 milliards d'euros - GIL COHEN-MAGEN

Entre Paris et Berlin, les relations se tendent. Pour l'Allemagne, la défense européenne s'appuie de plus en plus sur l'industrie américaine et israélienne avec un bouclier antimissiles en alliance avec 14 pays de l'Otan sans la France.

Le couple franco-allemand bat à nouveau de l'aile. Unis par un mariage de raison depuis des décennies, ces deux pays qui forment le socle de l'Europe ne trouvent plus le carburant nécessaire pour avancer de concert. Mercredi, l'Allemagne a décidé de reporter à janvier le Conseil des ministres franco-allemand qui devait se tenir le 26 octobre à Fontainebleau.

Derrière la raison diplomatique avancée par l'Allemagne, en l'occurrence des "difficultés logistiques" pour certains ministres, cette discorde repose sur des désaccords profonds sur la défense européenne. Cette fois, il s'agit bien plus qu'une énième scène de ménage comme il y en a eu d'autres avec notamment le système de combat aérien du futur.

Un cercle de 14 pays sans la France

L'Allemagne a décidé de se placer au centre de la défense européenne en poussant sans ménagement la France. Berlin a rallié quatorze pays membres de l'Otan pour l'acquisition en commun de matériels de défense anti-aérienne et anti-missile dans le cadre d'une initiative baptisée "bouclier du ciel européen". La France ne fera pas parti de ce nouveau cercle qui pour se protéger s'appuiera un peu sur les systèmes allemand Iris-T et principalement sur l'Arrow 3 israélien.

"C'est le système le plus pertinent pour les menaces qui pèsent sur la nation européenne", a déclaré le lieutenant-général Ingo Gerhartz à la presse israélienne.

Développé par l’israélien IAI avec l'Américain Boeing, Arrow 3 est capable d'intercepter des missiles balistiques à des altitudes de plus de 100 kilomètres et avec une portée allant jusqu'à 2400 kilomètres. Berlin réclame qu'il soit opérationnel dès 2025 sur trois sites en Allemagne pour protéger son territoire, mais aussi la Pologne, la Roumanie et les pays baltes qui pourraient partager les frais de ce dispositif dont le montant est de 2 milliards d'euros.

Pour l'instant rien n'est fait. Washington tarde à valider le contrat pour ce système équipé de technologies américaines. Selon la presse israélienne, les Etats-Unis tentaient de vendre à l'Allemagne un système concurrent de l'Arrow 3, le THAAD de Lockheed Martin. Quoi qu'il en soit, aucun dispositif européen n'a été retenu par Berlin.

Les précédents industriels

Ce bouclier européen est perçu comme un nouveau coup dur pour l'unité européenne en matière d'armement. Avant cela, il y eu le contrat de F-35 au détriment d'une solution européenne, le choix du moteur GE pour l'Eurodrone d'Airbus plutôt que celui de Safran puis le contrat avec Boeing pour cinq patrouilleurs maritime P-8A Poseidon plombant ainsi le programme MAWS avec la France.

Sur le programme Scaf ou le char du futur MGCS (Main Groud Combat System) qui doit remplacer en 2035 le Leclerc et le Leopard, c'est encore l'incertitude. Berlin assure que ces projets se feront, mais l'Etat Major allemand ne semble pas du même avis. Le 12 septembre, le général Eberhard Zorn, chef d’état-major de la Bundeswehr, a jeté un froid avec une déclaration choc devant le DGAP [Conseil allemand des relations étrangères].

"Je veux des matériels qui volent, qui roulent et qui sont disponibles sur le marché. Pas de développement de solutions européennes qui, au final, ne marchent pas. Je ne citerai pas d’exemples ici. Ce serait presque du dénigrement des entreprises", a lancé le général Eberhard Zorn, pointant à la fois le Scaf et le MGCS.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco