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Défense

Boeing sévèrement critiqué aux Etats-Unis pour son déménagement près du Pentagone

L'annonce du déménagement du siège de Boeing de Chicago vers Arlington n'est pas bien accueilli par les observateurs qui estiment que le groupe "devrait se concentrer sur la fabrication d'avions sûrs et non sur le lobbying".

Boeing s'éloigne un peu plus de ses origines géographiques et industrielles. Le groupe aéronautique créé à Seattle où se trouve toujours ses principales usines, avait installé son siège à Chicago au début des années 2000. Il vient d'annoncer son déménagement sur la côte Est des Etats-Unis à Arlington. La ville, qui est à deux pas de Washington, est connu pour être celle du Pentagone. Elle se trouve aussi à proximité de la FAA, le régulateur américain de l'aéronautique.

Les dirigeants de l'entreprise rejoindront ainsi le siège de la division dédiée à la défense, qui y est installé depuis 2017. Le groupe prévoit aussi d'y créer un centre de recherche et de technologie. Avec la défense et le spatial, Boeing compte combler les pertes dans l'aviation civile causées par la crise Covid, mais surtout par deux accidents mortels impliquant son avion 737 MAX en 2018 et 2019 qui ont créé une crise de confiance chez les clients.

"Cela a du sens, stratégiquement, d'installer notre siège mondial dans la région compte tenu de sa proximité avec nos clients et avec les décideurs, et son accès à des talents techniques et d'ingénierie de classe mondiale", a commenté le directeur général, Dave Calhoun, dans le communiqué.

Pour les experts de l'aéronautique, ce transfert n'était pas la décision à prendre. Ron Epstein, analyste aérospatial pour Bank of America, rappelle la présence déjà puissante de Boeing au Congrès avec plus d'une centaine de lobbyistes et un budget de plus de 13 millions de dollars, soit le 5e plus important pour une entreprise privée.

"Qui accuserait Boeing de ne pas être suffisamment présent à DC", a déclaré Ron Epstein à CNN en ajoutant que selon lui, "ça ne leur apportera rien!".

Se couper de ses racines

La critique est plus vive pour Domhnal Slattery, PDG d'Avolon, l'une des principales sociétés de location d'avions au monde et un important client de Boeing. Il estime que Boeing s'égare. Idem pour Peter DeFazio, représentant démocrate de l'Oregon qui préside le comité des transports de la Chambre qui porte une attaque cinglante.

"En allant à Chicago ils s'étaient déjà éloignés de leurs racines. C'était une erreur tragique qui a donné plus de pouvoir aux compteurs de haricots de Wall Street qu'aux ingénieurs qui ont fait la réputation de Boeing", a déclaré Peter DeFazio dans un communiqué. "Boeing devrait se concentrer sur la fabrication d'avions sûrs et non sur le lobbying auprès des régulateurs fédéraux et du Congrès", a-t-il conclu.

L'attaque porte non seulement sur accidents du 737 20MAX, mais aussi sur le contrôle qualité des appareils comme le 787 Dreamliner ou les problèmes du 777X dont la version passagers n'arrivera qu'en 2025, soit deux ans de retard qui vont profiter à l'A321 XLR d'Airbus.

Le premier vol d’essai de l'appareil européen est programmé pour le mois de juin. Le patron d’Airbus, Guillaume Faury, a confirmé que "sa mise en service opérationnel devrait avoir lieu début 2024 afin de satisfaire aux exigences de certifications" des autorités. Initialement, cette mise en service était prévue fin 2023.

En se rapprochant du Pentagone, Boeing se déclare-t-il vaincu par Airbus dans le civil? En 2021, l'écart des ventes entre les deux concurrents a été spectaculaire. Plus de 600 appareils livrés l'an dernier pour Airbus et seulement 340 avions pour Boeing.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco