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Avion de combat: le Scaf devient un enjeu pour la souveraineté de la défense européenne

Les industriels allemands craignent une main mise des Etats-Unis sur leurs marchés et la souveraineté

Les industriels allemands craignent une main mise des Etats-Unis sur leurs marchés et la souveraineté - Dassault Aviation

Si le Scaf ne se fait pas, la souveraineté européenne de la défense et l'économie qui s'y rattache pourrait dépendre des Etats-Unis. Les industriels allemands lancent une alerte à leurs dirigeants.

L'accord entre Dassault et Airbus pour (enfin) lancer le programme Scaf sera-t-il passé avant la fin de l'année? Selon Les Echos, le dossier avance de manière positive. Ce qui confirme des sources de BFM Business qui affirmaient que les deux industriels sont sur la voie d'un accord pour relancer le programme qui patine depuis un an.

"Nous nous approchons (du dénouement, ndlr). Nous voulons rester optimistes et pensons que le contrat sera signé avant la fin 2022", a déclaré le président exécutif d'Airbus, Guillaume Faury, lors d'un point presse à Berlin.

Pour Airbus, comme pour Dassault, il n'y a pas d'alternative sinon, la défense aérienne européenne tomberait entre les main des Etats-Unis et de la Chine. Eric Trappier, directeur général de Dassault Aviation, n'a cessé de le rappeler en suivant le contrat de 11 pays européens avec Lockheed Martin pour des F-35. Mais cette fois, l'avertissement a été lancé par Guillaume Faury, CEO d'Airbus dans un entretien donné au Handelsblatt.

Ce message d'alerte s'adresse évidemment à son partenaire-concurrent Dassault Aviation ainsi qu'aux gouvernements français et allemand qui devront tout faire pour aider à accélérer le projet d'un point de vue financier et administratif. Mais c'est surtout à Berlin que le message s'adresse faisant écho aux reproches des industriels allemands de l'armement envers leur gouvernement.

Aucune contrepartie industrielle

Dans un article publié par l’hebdomadaire WirtschaftsWoche repéré par le site spécialisé Opex360, les industriels de la défense craignent de voir partir vers les Etats-Unis le fond de 100 milliards d'euros débloqué par le gouvernement.

Selon le BDLI, l’organisation patronale allemande dans l'aéronautique, la dépendance envers les Etats-Unis pourrait mettre en péril les industriels allemands. Le groupe s'appuie sur le contrat de F-35 passé par l'Allemagne dans lequel le gouvernement allemand n’a exigé aucune contrepartie industrielle.

"L’argent que nous dépensons aux États-Unis ne revient pas", regrette Martin Kroell, vice-président de la BDLI et directeur d'Autoflug, un spécialiste des sièges éjectables.

"Virée shopping aux États-Unis"

Un industriel qualifie de "virée shopping aux États-Unis" les récents contrats portant sur les 35 F-35, les 5 patrouilleurs maritimes Poseidon et les 60 hélicoptères de transport Chinook et tout cela sans aucun bénéfice pour l'industrie allemande.

"Nous envoyons juste une valise de billets aux États-Unis", regrette ce spécialiste.

Ce dernier redoute que l'Allemagne s'enferme dans l'armement avec les Etats-Unis comme elle l'a fait avec la Russie pour l'énergie ou avec la Chine avec les composants électroniques.

"Nous devons assurer que nous ne mettrons pas la souveraineté allemande entre les mains des Américains pendant les 30 à 50 prochaines années", prévient Martin Kroell en soulevant des craintes sur la perte de compétence et de maîtrise technologique.

Concernant le programme Scaf, un autre risque est à craindre avec le Tempest, un programme européen concurrent lancé par le Royaume-Uni, la Suède et l'Italie avec l'appui technologique du Japon.

En juillet dernier, lors du salon aéronautique de Farnborough, le ministère britannique de la défense a annoncé qu'un démonstrateur de cet appareil sera prêt à voler avant 2030 et qu'il équipera la Royal Air Force dès 2035.

Un calendrier quasi identique avait été prévu pour le Scaf. En 2021, Florence Parly, alors ministre des Armées espérait la création d'un démonstrateur en 2027 et une entrée en service en 2040. Cette date sera-t-elle tenue? En juin, lors du Paris Air Forum, Eric Trappier estimait que le Scaf pourrait avoir un retard important.

"Pour 2040, il y aura surement un premier standard 'peut-être sous réserve de...' donc on est parti plutôt sur les années 2050", prévenait Éric Trappier.
Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco