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Défense

75 ans de l'Otan: ce qu'il faut savoir sur cette puissance sur-armée, mais sans armée

L'Otan fête ses 75 ans d'existence dans une période de forte préoccupation pour l'Ukraine et ses difficultés sur le champ de bataille. Retour sur cette alliance souvent critiquée, mais sans laquelle la sécurité de l'Europe serait compromise.

L'Otan a 75 ans. Fondée le 4 avril 1949 par 12 pays d'Europe et d'Amérique du Nord, pour contrer la menace soviétique, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord a souvent été critiquée, décriée, jugée trop coûteuse, voire inutile. Des critiques qui s'effacent depuis le début de la guerre en Ukraine.

Depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, puis l'invasion de l'Ukraine en 2022, les 32 pays membres - dont 22 sont membres de l’Union européenne - la perçoivent comme un parapluie efficace contre les appétits territoriaux de Moscou. À l'est de l'Europe, les candidats à rejoindre ce groupe ne manquent pas, même s'ils s'exposent à l'ire du Kremplin.

Un point sur cette organisation qui en trois quarts de siècle d'existence est devenue une force armée surpuissante, mais sans armée.

32 membres pas toujours d'accord entre eux

Depuis sa création, l'Otan n'a pas toujours fait l'unanimité entre ses membres. S'ils avancent d'une même voix, celle du secrétaire général, les pays qui composent l'Alliance n'ont pas toujours marché en pleine harmonie.

Les 32 pays membres de l'Otan.
Les 32 pays membres de l'Otan. © Otan

La France, qui est l'un des 12 membres fondateur de l'Alliance, a même été la plus turbulente en remettant en cause une structure militaire pouvant rogner sa souveraineté. Paris s'en est retiré en 1966 sous De Gaulle avant de la réintégrer en 2009 avec Nicolas Sarkozy. Cette position a laissé des traces. Jusqu'à ce jour, aucun Français n'a été secrétaire général de l'Otan.

La Turquie est perçue comme le trublion de l'Alliance qu'elle a rejoint en 1952, en même temps que la Grèce. Ces deux pays longtemps ennemis ont donné quelques sueurs froides à leurs alliés, particulièrement lors de leur différend à Chypre dans les années 1960 et 1970. La Turquie continue d'irriter ses alliés par des positions jugées ambiguës comme le veto pendant deux ans sur l'adhésion de la Suède qui n'a rejoint l'Otan qu'en mars, après la Finlande l'année précédente, une des conséquences de l'invasion russe de l'Ukraine en 2022.

L'article 5, le pilier de l'Alliance

L'article 5 du traité de l'Atlantique nord est une garantie absolue des autres membres d'être secourus par tous les autres en cas d'attaque. Il n'a été utilisé qu'une seule fois dans toute l'histoire de l'Otan, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 contre les États-Unis.

Le déclenchement de cet article considéré comme le pilier de l'Otan a surtout été décidé pour montrer la solidarité des Alliés à l'égard des États-Unis, sans réelle conséquence militaire immédiate. Il conduira néanmoins l'Alliance à intervenir en Afghanistan où elle mobilisera jusqu'à 100.000 troupes sur le terrain avant un retrait catastrophique en août 2021.

La fameuse règle des 2%

Consacrer au moins 2% de son PIB à la défense. Cette règle est presque la contrepartie de l'article 5. Pour être protégé, il faut s'en donner les moyens. La règle des 2% est apparue en 2006. Elle a été rappelée lors d'un sommet de l'Otan en 2014, année de l'annexion de la Crimée par la Russie. Cet objectif n'a semble-t-il pas été pris au sérieux par les États membres de l'Alliance. En 2023, seulement neuf pays l'appliquaient.

Dépenses d'armement des pays de l'Otan en pourcentage du PIB.
Dépenses d'armement des pays de l'Otan en pourcentage du PIB. © Otan

Cette situation a permis à Donald Trump de s'imposer au premier plan de la scène internationale en menaçant les pays qui ne paieraient pas leur part de les abandonner si la Russie s'en prenait à eux, malgré l'article 5.

"Non, je ne vous protégerais pas. En fait, je les encouragerais [la Russie, NDLR] à vous faire ce qu'ils veulent. Vous devez payer vos dettes", menaçait récemment le prétendant à la Maison Blanche.

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a immédiatement répliqué. Ce type de déclarations "sape notre sécurité à tous, y compris celle des États-Unis", a-t-il réagi. Cette attaque a pourtant eu de l'effet, quoi qu'en disent les dirigeants des pays concernés. Dès cette année, plus d'une vingtaine des pays membres atteindra l'objectif des 2%.

Trois sièges: Londres, Paris et désormais Bruxelles

L'Otan s'est d'abord installée à Londres avant très vite, dès 1949, de traverser la Manche pour prendre ses quartiers à Paris. Mais le retrait français 17 ans plus tard oblige ses fonctionnaires à déménager à nouveau, cette fois pour Bruxelles. Nombre d'entre eux ne l'ont jamais pardonné à la France, selon un diplomate de l'Alliance, sous couvert d'anonymat.

Dans la capitale belge, l'Otan occupe depuis 2017 un siège flambant neuf formé de quatre bâtiments, censés représenter des doigts entrecroisés, symbole d'unité. Plus de 4.000 personnes y travaillent et les visiteurs se font souvent photographier devant une sculpture représentant l'emblème de l'Otan, choisie en 1953: "une étoile à quatre branches représentant la boussole qui nous maintient sur la bonne voie, le chemin de la paix", selon l'expression de Lord Ismay, alors secrétaire général de l'Alliance. C'est aujourd'hui le motif principal sur le drapeau de l'Otan.

Trois citations "cultes"

Lord Ismay, premier secrétaire général de l'OTAN (1952-1957), est également resté célèbre pour cette déclaration non datée, résumant les missions de l'Alliance:

"Garder les Russes en dehors, les Américains dedans et les Allemands à terre."

"J'ai dit il y a longtemps que l'Otan avait des problèmes. En premier lieu qu'elle était obsolète parce qu'elle a été conçue il y a des années et des années", avait taclé Donald Trump, alors président américain, le 15 janvier 2017. Il avait utilisé le même qualificatif lors de sa campagne en 2016.

Le 7 novembre 2019, dans un entretien à l'hebdomadaire britannique The Economist, Emmanuel Macron déclarait: "Ce qu'on est en train de vivre, c'est la mort cérébrale de l'Otan". En mai 2023, le chef de l'État revenait sur cette phrase en affirmant cette fois que le président russe Vladimir Poutine l'avait "réveillée avec le pire des électrochocs" en envahissant l'Ukraine.

Une énorme puissance militaire, mais sans armée

L'Otan ne dispose d'aucune armée en propre, à l'exception d'une flotte d'avions de reconnaissance AWACS et de quelques drones. Elle s'appuie sur les forces armées de ses membres, sauf l'Islande qui n'en a aucune.

Avec ces troupes (terrestres, navales et aériennes), l'Alliance protège et surveille le flan Est de l'Europe. Pour faire face aux menaces de la Russie et au risque d'une défaite de l'Ukraine, un exercice militaire d'une ampleur inédite a été lancé en janvier dernier. "Steadfast Defender 2024" ("Défenseur inébranlable") implique 90.000 soldats, 50 navires de guerre, 80 aéronefs et plus d'un millier de véhicules terrestres de 31 pays. Le dernier exercice d'une dimension comparable a été "Reforger" en 1988 en pleine guerre froide entre l'Union soviétique et l'Alliance atlantique.

Outre ces forces armées, l'Otan a pu compter pendant plusieurs années sur une armée secrète, les "stay behind" (ceux qui restent derrière), des réseaux clandestins coordonnés par l'Otan au début de la guerre froide. Ces réseaux étaient censés être activés en cas d'attaque soviétique.

Un jeu de cartes pour connaître l'armement

L'Otan organise régulièrement des exercices militaires qui mobilisent des quantités d'armes souvent très différentes. Elle a donc créé un jeu de 54 cartes pour aider ses militaires à s'y retrouver.

"L’idée est d’aider les troupes à reconnaître les équipements Ota, utilisés par des pays non-membres de l’Organisation, de manière à pouvoir les distinguer de ceux de l’ennemi et à éviter les tirs fratricides", explique l'Alliance sur son site.
Les 54 cartes représentent autant de systèmes d'armes utilisés par l'Alliance.
Les 54 cartes représentent autant de systèmes d'armes utilisés par l'Alliance. © Otan

Les 54 cartes représentent autant de systèmes d'armement utilisés par l'Alliance. Le jeu est censé aussi "aider les troupes ukrainiennes à identifier" certaines des armes qu'elles reçoivent. Le deux de cœur a été attribué au canon Caesar. Les quatre as désignent des systèmes d'armement américains: MaxxPro MRAP (carreau), M1151 HMMWV (cœur), M113 APC (pique) et M-270 MLRS (trèfle).

Sur chacune des cartes figurent le nom d'un équipement, son armement principal, le pays de fabrication et les pays qui en ont fait l'acquisition. Le jeu de cartes est disponible en ligne pour pouvoir être librement imprimé. Les soldats s’en servent bien sur comme aide-mémoire, mais aussi, "pour jouer au solitaire, à la dame de pique ou encore au poker", indique l'Otan.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama avec AFP Journaliste BFM Éco