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Daniel Kretinsky et David Layani préparent leur duel pour la reprise d’Atos

Les deux entrepreneurs travaillent à des offres de reprises du groupe de services informatiques. Le gouvernement accueille favorablement l’homme d’affaires tchèque.

Un face-à-face se précise pour la reprise d’Atos. Son premier actionnaire David Layani et l'homme d'affaires Daniel Kretinsky planchent sur des offres de reprise du groupe de services informatiques. La mandataire ad hoc, Hélène Bourbouloux, étudie depuis deux semaines le bilan comptable d’Atos qui croule sous 4,6 milliards d’euros de dettes. Elle attend le rapport indépendant du cabinet Accuracy sur les comptes, qui doit être rendu mi-mars.

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Kretinsky se retire pour mieux revenir dans le jeu

D’ici là, les deux repreneurs se positionnent. Daniel Kretinsky vient de rompre ses négociations avec Atos pour racheter ses activités d’info-gérance. Un abandon pour mieux revenir dans le jeu. Il a déjà pris contact avec Hélène Bourbouloux. Et selon plusieurs de ses proches, Daniel Kretinsky envisage de faire une offre de reprise d’Atos, à la fois sur les activités d’info-gérance "Tech Foundations" et sur celles dédiées aux applications digitales, la branche "Eviden". "Mais nous ne sommes pas intéressés par la cybersécurité et les supercalculateurs", insiste son entourage.

Les équipes de Daniel Kretinsky ont rencontré le cabinet de Bruno Le Maire il y a quelques semaines pour manifester leur intérêt.

"Il ne bouge pas et attend un feu vert du ministre", explique un de ses proches.

Le milliardaire a été échaudé par la fronde de députés et généraux du ministère des Armées, l’été dernier, qui s’inquiétaient de la présence d’un étranger au capital des activités de cybersécurité. Le gouvernement surveille ces contrats du ministère des Armées et les supercalculateurs de l’Otan, qu’il considère stratégiques pour la "souveraineté nationale". Aujourd’hui, cette division "BDS" doit être vendue à Airbus. Et désormais, le ministère de l’Economie accueille l’homme d’affaires tchèque avec bienveillance. "Nous avons de très bonnes relations avec lui, on n’a rien à lui reprocher et il a été très correct lors de la reprise de Casino", assure-t-on à Bercy.

Un industriel français sans argent face au riche investisseur tchèque

Daniel Kretinsky ne sera pas seul. Face à lui, il aura le premier actionnaire d’Atos, David Layani. Le propriétaire de Onepoint étudie depuis plusieurs semaines une offre de reprise, elle aussi globale en dehors de la cybersécurité. Il est déjà aux premières loges: il détient 11,4% du capital d’Atos et doit, dans les prochains jours, entrer à son conseil d’administration. Son projet, baptisé "OneAtos" consiste à apporter sa société de conseil digital Onepoint à Atos pour en prendre le contrôle. Lui aussi a rencontré la mandataire Hélène Bourbouloux, ainsi que plusieurs créanciers du groupe informatique.

Selon plusieurs de ses conseillers, il pourrait investir environ 300 à 400 millions d’euros grâce à un prêt du fonds d’investissement américain Carlyle. Si Atos a besoin de davantage de capital, David Layani est prêt à s’allier à des partenaires financiers. "Il a des contacts avec plusieurs grands fonds d’investissement", promet un de ses proches. Il cherche aussi à associer des fonds détenteurs de dettes obligataires.

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David Layani fait valoir auprès des pouvoirs publics que Onepoint opère dans les services informatiques depuis vingt ans, en France, contrairement à Daniel Kretinsky, au profil d’investisseur financier étranger. Au ministère de l’Économie, on assure "discuter avec tout le monde" sans en dire plus, alors que l’inauguration du siège parisien de Onepoint par Bruno Le Maire, en juin dernier, avait été interprétée comme un soutien à David Layani.

Les banques comme arbitre

Les deux candidats devront convaincre les créanciers d’Atos, à la fois les banques françaises et des fonds d’investissement. Eux aussi attendent la clarification des comptes, prévue le 20 mars, après la publication du rapport d’expert. Le groupe informatique doit refinancer 3,65 milliards d’euros d’ici fin 2025 et a annoncé mercredi avoir brûlé un milliard d’euros de cash en 2023. Les banques regarderont en détail la liquidité d’Atos pour calibrer leurs nouveaux prêts, ce qui passera par une inévitable annulation de la dette actuelle, d’environ 50% selon plusieurs sources.

Selon nos informations, les banques vont mettre Atos sous perfusion pendant quelques mois en attendant qu’Hélène Bourbouloux avance dans ses travaux. Elles vont assurer une partie de la trésorerie d’Atos en reprenant le paiement de certains fournisseurs, via de l’affacturage, pour un montant de l’ordre de 300 à 500 millions d’euros. Elles auront ensuite à se prononcer sur les repreneurs. "Le raisonnement sera le même que sur Casino, on votera pour celui qui investira le plus d’argent pour soutenir la dette, résume un des principaux banquiers d’Atos. Et Kretinsky en a plus que Layani."

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business