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Craintes autour de la dette cachée d’Atos

Le groupe doit dévoiler une expertise indépendante sur sa situation financière. Une opération transparence s’impose sur sa trésorerie.

Et maintenant, Atos va mener son bras de fer avec ses banques. Le groupe informatique a annoncé hier l’échec de ses négociations avec Airbus pour lui vendre sa filiale de cybersécurité. Il espérait récupérer environ 1,5 milliard d’euros de cash pour se désendetter. C’est la deuxième tentative de cession qui échoue en un mois après celle des activités historiques de gestion de parcs informatiques à Daniel Kretinsky.

Désormais, Atos va entamer une restructuration massive de sa dette de 3,65 milliards d’euros qui doit être remboursée d’ici fin 2025. Un conseil d’administration s’est tenu mardi soir alors que les résultats financiers pour 2023 devaient être publiés ce mercredi. Ils ont été reportés sine die après l’échec de la vente des activités cyber à Airbus. Les créanciers d’Atos sont sous pression. Une réunion a eu lieu vendredi dernier entre la direction du groupe et ses banques, sous l’égide de l’administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux et du comité interministériel de restructuration industriel, dépendant du ministère de l’Economie.

Près de 2 milliards d’euros de jeux de trésorerie

L’ambiance était "très tendue" selon un protagoniste. D’un côté, le directeur général d’Atos Paul Saleh, décrit comme "très tendu et démuni". "Il n’avait pas de business plan ni de chiffre précis car il attendait la décision sur la vente de la cyber à Airbus", explique une source proche du dossier.

De l’autre, les banques s’inquiètent des comptes d’Atos. Elles attendent un rapport du cabinet d’expert Accuracy qui circule déjà en interne. Il doit les éclairer sur la situation financière réelle du groupe qui a communiqué fin février disposer de 2,4 milliards d’euros de trésorerie nette. Un chiffre auquel personne ne croit. "Ce chiffre est de l’habillage, s’agace un créancier. Depuis des années, Atos utilise de l’affacturage pour gonfler sa trésorerie". Cette technique consiste à céder à une banque des factures de fournisseurs pour récupérer du cash qui se transforme finalement en dette.

Pire que chez Casino

"Ces 2,4 milliards d’euros ne sont pas du vrai cash, reconnait une source proche d’Atos. Ce sont des jeux de trésorerie qui pèsent au moins pour moitié". Certaines banques, comme le CIC, Société Générale ou BNP Paribas sont encore plus pessimistes alors qu’elles continuent à assurer la liquidité du groupe au quotidien. "Il n’y a pas plus de 500 millions d’euros de vraie trésorerie", estime l’une d’elles. Un scénario qui ressemble à ce qu’il s’est passé, l’an passé, lors de la restructuration de Casino qui avait dissimulé un milliard d’euros de dette. "C’est de la cavalerie utilisée en fin d’année avant la clôture des comptes, précise une autre source proche du groupe. Une sorte de dette cachée qui frôle les 2 milliards d’euros".

En plus de l’état de la trésorerie, les créanciers et actionnaires d’Atos attendent une opération transparence sur le bilan. Le cours de Bourse s’est effondré et la valeur du groupe ne pèse plus que 200 millions d’euros. L’activité se dégrade notamment dans la branche historique de gestion de parcs informatiques, "Techn Foundation". Quelques grands clients comme Schneider, l’assureur WTW ou la société de conseil Conduent n’ont pas renouvelé leur contrat, nous rapporte une source proche d’Atos. Des dépréciations d’actifs, de l’ordre de 2 milliards d’euros, pourraient être passées dans les comptes, dégradant encore un peu plus le bilan du groupe.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business