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Comment WeWork a accéléré la transformation des bureaux en France

Télétravail, travail hybride, coworking: ces nouvelles tendances parfaitement exploitées par le géant américain en faillite infusent dans certaines grandes entreprises qui refondent les environnements de travail. Objectif: retenir les salariés et séduire les candidats.

L'essor du télétravail et du travail hybride en France et dans le monde a particulièrement bouleversé le rapport des salariés avec les bureaux de leurs entreprises. Outre le travail à domicile, les espaces de coworking proposés notamment par le géant américain WeWork ont rencontré un franc succès.

Car si la firme est en faillite, son concept lui a été largement validé. Outre des bureaux luxueux et confortables, WeWork a introduit des concepts assez peu connus dans les bureaux souvent tristes des entreprises: services (conciergerie, garderie...), convivialité, prestations diverses (sports, détente, cuisine de qualité...) et variées, approche communautaire...

WeWork dépose le bilan – 07/11
WeWork dépose le bilan – 07/11
23:12

"WeWork a incarné le changement du monde du bureau"

"WeWork, bien avant le Covid, a incarné le changement du monde du bureau. L'icône, l'étendard du coworking a réussi à créer une véritable expérience immobilière, de travail, une approche radicalement différente des espaces de travail, de leur animation", confirme Nicolas Beuvaden, président et fondateur de Welcome at Work (services dédiés au bien-être et la qualité de vie au bureau).

Et si les Français restent attachés au bureau combiné à une dose de télétravail, ils aspirent aujourd'hui à des évolutions concrètes de leur environnement de travail de la part de leurs employeurs, inspirées de ce qu'ils ont pu expérimenter chez WeWork. Cela devient même un argument pour recruter ou pour retenir les talents.

Selon une étude récente de Paris Workplace, "les salariés veulent faire (du bureau) l’usage qu’ils (en) souhaitent, avec une modulation qui dépend des moments de la vie, des moments de l’année, des conditions de logement et de l’organisation familiale".

"Plus accessible, le lieu de travail sera aussi multi-usage: un peu moins de la moitié (44%) des salariés pense que leurs bureaux intégreront des services médicaux (salles de consultation, rééducation), mais aussi des services de bien-être (coiffeur, soins, massages), à 40%, et même des espaces pour accueillir des animaux de compagnies, à 31%", peut-on lire.

Les salariés aspirent à un bureau sur-mesure, lieu de rencontre

Preuve que l'évolution des bureaux devient prégnante, 55% des salariés interrogés dans cette étude affirment que les bureaux ont été "un facteur important au moment de choisir leur entreprise actuelle". C'est 25 points de plus en six ans!

"La question n’est pas tant celle du télétravail. Nous voyons se cristalliser certaines tendances de fond mesurées au cours des dernières années: les salariés aspirent à un bureau sur-mesure, un lieu de rencontre comme pouvait l’être la place d’un village autrefois, au cœur de quartiers vivants, et qui se métamorphose en un espace de convergence entre vie professionnelle et vie personnelle", commente Dimitri Boulte, directeur général de SFL (Société foncière lyonnaise).

"Je pense que les entreprises vont demander des bureaux de plus en plus protéiformes, des lieux où peuvent s’exercer des activités de plus en plus différentes (salles de projection, studios d’enregistrement, restaurants de direction…)", ajoute Aude Grant, directrice générale de la même société immobilière de bureaux.

Et de fait, si le mouvement reste encore marginal, il est bel et bien enclenché dans certaines grandes entreprises.

"Le bureau doit être synonyme de plaisir, de facilité et de convivialité"

Châteauform', un spécialiste des séminaires et événements d'entreprise a justement créé une offre baptisée "Inside" qui vise à réaménager les bureaux.

"Réinventée, la présence au bureau doit être synonyme de plaisir, de facilité et de convivialité. Elle se doit de prendre le contre-pied des habitudes prises en télétravail et d’apporter cette valeur ajoutée que l’on ne retrouve qu’au bureau", nous explique Anne Griffon, la directrice de Chateauform'.

"Nous nous sommes assez vite rendu compte après le Covid qu'il y avait de la part des salariés un désamour pour la vie de bureau", poursuit Anne Griffon.

S'appuyant sur son expérience dans les séminaires, la société développe une offre "pour créer du lien, des expériences, une hospitalité à travers une approche complète" dans les entreprises avec l'objectif de faire revenir des salariés habitués au télétravail.

Evidemment, il s'agit d'aller au-delà de l'approche visuelle (mobilier...) ou ludique avec les fameux baby-foot qui sont la signature des start-up. "L'idée est d'avoir une approche globale, de créer une communauté pour les salariés à la manière c'est vrai de WeWork qui a inventé ce concept. Cela veut dire travailler avec des architectes pour faire vivre ces lieux, revoir l'accueil, avoir des gens sur place qui prennent soin des salariés, qui devancent leurs attentes, créer de l'animation", détaille Anne Griffon.

"C'est souvent de l'intangible quand il s'agit de créer du collectif, des moments de rencontre", précise-t-elle même si cela passe par des choses très concrètes comme "une offre de restauration adéquate". "Quand la table est bonne, les gens y vont ensemble et se parlent, c'est simple. Ça incite à venir au bureau".

L'importance de la table

Pour autant, il faut évangéliser les directions. "Elles ont conscience que pour faire revenir les salariés ou attirer des talents, un joli bureau ne suffit plus. Après, il y a la question du budget. C'est donc une démarche qui s'inscrit dans un temps long et dans une réalité économique et juridique", tempère Anne Griffon.

Exemple avec Celio qui a été la première entreprise en 2020 à travailler avec Chateauform'.

"Le constat de départ, c'est une cantine très peu fréquentée dans notre siège de Saint-Ouen (270 salariés), des équipes isolées les unes par rapport aux autres et aucun lieu pour se rencontrer", nous explique Marie-Karine Tibi, DRH de l'enseigne.

"La transformation a consisté à proposer des espaces de coworking agréables pour travailler ou faire de l'informel, des endroits pour s'isoler, d'améliorer la luminosité, de supprimer les grands open space", poursuit-elle.

Mais c'est surtout l'offre de restauration qui a été revue, avec l'arrivée d'un chef, un petit-déjeuner, un goûter gratuit et un repas du midi de qualité (contre 5 euros de participation).

Chez Celio, la fréquentation du siège en forte hausse

"Autant de petites choses qui créent du lien, l'adhésion des collaborateurs et améliorent la marque employeur, tout comme les animations organisées par les équipes de Chateauform' (arrivée du Beaujolais, journée glaces...)" souligne la DRH.

Le résultat est palpable avec une fréquentation en hausse de ces lieux de convivialité.

"Ça marche, on voit les gens se parler, échanger et avoir moins recours au télétravail. Et c'est une très belle vitrine pour les recrutements surtout quand on a un siège à Saint-Ouen, il y a un vrai effet 'Waouh' lorsqu'un candidat voit ce qu'on propose", assure Marie-Karine Tibi.

Le bénéfice est d'autant plus fort quand on cherche à recruter des jeunes talents: "Ils habitent souvent dans des petits appartements et n'ont pas trop envie d'y travailler. Leur proposer cet environnement les convainc à venir travailler avec nous", conclut la responsable.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business