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Les banques privilégient-elles les jeunes au détriment des seniors?

Retrait d'argent au guichet d'une banque

Retrait d'argent au guichet d'une banque - AFP

[AVIS D'EXPERT] Les seniors se sentent mal accompagnés par leurs banques, qui semblent davantage miser d'un point de vue marketing sur les jeunes. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Retour sur une étude menée par OpinionWay pour le fournisseur de services extra-financiers Obendy, dont les résultats – passés relativement inaperçus – ont été publiés il y a quelques mois.

Une étude qui pointe les attentes, largement insatisfaites, vis-à-vis de leur banque des clients seniors, c’est-à-dire ayant 60 ans et plus (d’autres études montrent que si l’on élargit aux 55 ans et plus, les résultats sont comparables et encore plus accentués).

Les seniors représentent l’un des segments de clientèle les plus intéressants pour les banques et peut-être le plus potentiellement intéressant. Mais cela ne suffit pas pour les banques françaises (il en va différemment dans d’autres pays), chez lesquelles existe à ce propos un véritable blocage. Nous parlons ici d’expérience: il est à peu près impossible d’intéresser les services commerciaux des banques françaises en leur parlant de leurs clientèles seniors.

Pourquoi donc? Il y a sans doute plusieurs raisons, comme le fait que les cadres des services marketing sont souvent jeunes et se tournent donc assez naturellement vers leurs pairs. Mais cela ne justifie pas que, le plus souvent, pour les banques françaises, la séniorité soit assimilée à la fin de vie. Dès lors que les visuels publicitaires des banques présentent des cheveux gris, c’est généralement pour parler dépendance, héritage ou préparation des obsèques - nous caricaturons à peine. Les "Silvers", depuis des décennies, sont particulièrement actifs et porteurs de projets. Mais non, malgré leur jeunesse, les services marketing semblent avoir encore des visions d’un autre âge.

La crainte d’une ringardisation

En France, les banques d’entrée de gamme pour jeunes ont pratiquement toutes été des échecs. L’abandon de Ma French Bank, de la Banque postale, en est le dernier exemple. Et les banques en ligne ont toutes séduit prioritairement une clientèle d’un âge relativement mûr (qui correspond d’ailleurs presque à l’âge moyen de la population française: 43 ans). Pourquoi ne pas avoir tenté de séduire également une cible d’âge un peu plus avancé, comme cela s’est vu dans d’autres pays? La réponse tient surtout à une question d’image - à la crainte d’une ringardisation - ainsi qu’à la croyance largement infondée que les moins de 70 ans pourraient ne pas se sentir à l’aise avec le numérique. Et ce constat vaut aussi bien pour les banques que pour les fintechs et les néobanques.

Toutefois, ces préjugés n’expliquent pas tout et c’est en ceci que l’étude que publie Obendy est particulièrement intéressante.

Car qu’attendent les seniors? Leurs besoins vont bien au-delà des offres courantes des banques: un accompagnement pour la préparation de la retraite, la transmission d’un patrimoine ou de valeurs, la diversification de leurs activités. Or 46% déclarent ne pas recevoir particulièrement d’aide face à ces différentes attentes. Même pour ce qui regarde la dépendance (qui concerne souvent leurs aînés), ils ne sont que 8% à avoir trouvé un accompagnement. Quant à la retraite, ils ne sont que 14% à avoir réellement reçu des conseils de la part de leur banque.

Des envies qui dépassent le champ bancaire

Bien plus que les jeunes, finalement, les seniors attendent des banques qu’elles suivent les modes de vie, qu’elles tiennent compte de nouveaux usages: 30% souhaiteraient un accompagnement concernant la prise en charge des proches ; 26% souhaitent découvrir de nouvelles passions ou activités ; 25% sont ouverts à un soutien au sujet de leur santé physique. Bien entendu, cela déborde largement le champ bancaire (quoique celui-ci, désormais, ne cesse de s’élargir, y compris vis-à-vis de ces différents thèmes). Pourtant tout cela demande des financements, des modes de paiement particuliers, des assurances – et surtout des offres bancaires ajustées, personnalisées qui font encore largement défaut.

Sans surprise, dès lors, un senior sur deux seulement estime que sa banque tient effectivement compte de sa situation personnelle. Quand on sait que la fidélité aux enseignes demeure extrêmement forte dans le domaine bancaire et qu’elle s’étend ainsi souvent sur des décennies pour des personnes ayant passé 60 ans, un tel constat est assez affligeant. En revanche, un tiers des répondants de l’étude ressentent une différence de disponibilité des chargés de compte en fonction de l’âge. Tandis que 84% des seniors considèrent que leur banque propose les mêmes services que toutes les autres et 45% qu’elles proposent plus de services à leurs clients plus jeunes.

Il est vrai que les banques raisonnent encore largement et quasi uniquement en termes de produits, tandis que des services davantage orientés vers les usages de leurs clients sont difficiles à développer, à installer et à tarifer. En ce sens, prendre en compte les attentes des seniors pourrait conduire à des transformations bien plus profondes que celles que la banque numérique a jusqu’ici proposées… à l’adresse surtout des plus jeunes. Mais pour prendre en compte ces attentes, il faudrait d’abord accepter de les entendre.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor